17 ans, c’est à peu près le temps requis avant de relancer une licence mise à mal par une bobine ridicule. Certains auront été plus rapide, comme Christopher Nolan avec Batman, probablement car malgré Batman Forever et Batman & Robin la figure emblématique était plus facile à ramener à la vie qu’un flic impitoyable issu d’un comic-book vendu à beaucoup moins d’exemplaires.
Qu’on se le dise tout de suite, Pete Travis, le réalisateur, a voulu faire un produit « à l’ancienne ». Nous baignons en pleine SF façon années 80 où personne ne se met d’entraves lorsqu’il s’agit d’user de violence, contrairement au remake de Total Recall, laid et aseptisé. Ça ressemble au Total Recall de 90, au Robocop 87, au Commando de 85, bref à tout ce qui gicle et que l’on regrette amèrement. Autre stupéfaction, la direction artistique n’a pas fait comme tout ce petit monde qui se copie dans tous les sens en balançant des lens-flares bleus comme si c’était une balise « lens-flares bleus = film de SF ». De ce côté on a plus l’impression de voir District 9, y’a du sable, il fait chaud, les blocs sont crades, pas étonnant, les deux bobines ont été tournées en Afrique du Sud, bref Mega City One en jette.
Ça a de la gueule, et bien que le trailer nous faisait craindre d’incessants ralentis façon Zach Snyder, il n’en est rien, l’effet n’est utilisé que lors d’une fusillade, où les renégats utilisent d’une drogue, la « slowmo », qui leur fait voir la vie façon Sucker Punch. Fusillade qui est d’ailleurs l’occasion de nous annoncer clairement l’orientation gore du film; si vous aimez voir des katanas découper au ralenti des oignons ou des pastèques sur youtube, vous adorerez voir moult organes vitaux être déchiquetés par des balles fusant à 1% de leur vitesse réelle.

C’est sûr, y’a des ratés, enfin un pour être précis, la séquence d’introduction, qui nous présente le Juge lors d’une course poursuite. Problème, sa moto est recouverte d’un blindage qui fait toc, gênant le conducteur plus qu’il ne l’aide. Puis notre héros tue des gars qui le mérite, donc non seulement on n’apprend rien sur sa psychologie, mais en plus ça ne met pas assez en avant ce côté « loi abusive », qui est justement l’aberration dont l’œuvre se nourrit. Il faut finalement attendre l’arrivée de sa coéquipière, Anderson (Olivia Thirlby), là pour poser les états d’âme, et même si elle ne les exprime pas toujours, sont montrés par le biais de ses visions. On pourrait se limiter à simplement regarder cette bobine comme si c’était un jeu-vidéo (l’évolution niveau par niveau rappelle beaucoup le jeu-vidéo Die Hard, où la progression était similaire, étage par étage), mais les points d’éthique sont toujours posés aux bons moments, sans transformer non plus la bobine en pamphlet démocrate, faisant du spectateur lui-aussi un « Juge »; dans un monde ravagé où tout le monde vit dans des blocs bondés, applique-t’on la loi avec des sentences de mort distribuées comme des baffes, ou tente-t’on de pousser l’humanité à se serrer les coudes et aller elle-même à l’encontre des incivilités ? L’Homme d’aujourd’hui aurait tendance à choisir la seconde réponse, mais Dredd est un produit dystopique, l’humanité, une fois arrivée à son apogée, en reviendra à ses instincts animaux et les derniers remparts contre l’anarchie totale seront les Juges.
Dredd n’est donc pas seulement un bon film d’action comme il en manque trop en salles, c’est aussi un film à l’ancienne, divertissant tout en apportant des éléments de réflexion, et se voudrait même par moment être un remake non officiel de Robocop (Dredd reprend même le « You have 20 seconds to comply » de l’ED-209 !), on y retrouve une gestuelle, une façon de s’exprimer, une violence sans limite, et une coéquipière qui semble être le garde-fou d’une machine déshumanisée. L’honneur de la licence Dredd est donc lavé, quelque chose que l’on attendait depuis longtemps, malheureusement le public a répondu absent, la bobine ne remboursant pas la moitié de son budget (d’où son annulation dans nos salles et sortie direct-to-video). Et dire qu’on va avoir le droit à un Avengers 2… Il faudrait clairement un Juge pour remettre de l’ordre dans tout ça…
SlashersHouse
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste [DTV] Le meilleur de 2013

Créée

le 31 déc. 2012

Critique lue 5.2K fois

105 j'aime

20 commentaires

SlashersHouse

Écrit par

Critique lue 5.2K fois

105
20

D'autres avis sur Dredd

Dredd
real_folk_blues
6

On dirait que Karl a bruni...

En ce moment je suis en mode bourrin et j’assume. Sur mes dernières critiques y a du pas fin, de la filmo pas très glorieuse, du patronyme honteux, de la pose Gillette, de la pétoire, du titre plein...

le 6 févr. 2013

73 j'aime

32

Dredd
Gothic
7

Raid is Dredd

HD-REDD-Y Si nos amis américains ne l'ont pas trouvé Dredd-ful, force est de constater que par chez nous, peu de monde y croyait, en témoigne ce direct-to-dvd dans nos contrées. Et bien pour ma part...

le 13 janv. 2013

63 j'aime

22

Dredd
SPlissken
7

Urban Legend

Dredd c'est une sorte de revival tout droit sorti de la fin des 80's. Moins de thune certes et moins d'ambition que le raté sorti en son temps avec un Stallone ridicule. Cependant ce film touche au...

le 13 janv. 2013

45 j'aime

4

Du même critique

God Bless America
SlashersHouse
9

This is the best day ever !

Qui aurait pu dire que Bobcat Goldthwait, auteur de World's Greatest Dead, laisserait tomber la critique fine pour la pochade délurée et immorale ? Un coup de sang après avoir zappé, tout comme son...

le 9 avr. 2012

98 j'aime

16

Tucker & Dale fightent le mal
SlashersHouse
8

White Trash Beautiful.

Véritable coup de grisou sur la toile, Tucker et Dale ont fait parler d'eux plus que n'importe quel direct-to-dvd, et ont largement accumulé les récompenses lors de différents festivals (AMPIA,...

le 8 juin 2011

88 j'aime

15

Ted
SlashersHouse
3

Ted l'ours lourdingue.

Seth MacFarlane, père de la séries Les Griffin, nous livre ici son premier long-métrage qu’il réalise, écrit et produit. Les Griffin connait autant de fans que de détracteurs, la raison étant souvent...

le 31 août 2012

50 j'aime

8