Au cinéma, les chiens ont la vie dure. Lorsqu'ils ne sont pas les héros d'une comédie familiale, ils incarnent le visage de la peur et de la douleur pour devenir de véritables figures tragiques. Du célèbre Chien des Baskerville (1959) à l'horrifique Cujo (1983), en passant par le récent White God (2014), « le meilleur ami de l'Homme » n'a jamais cessé d'inspirer et de terrifier les foules.


Parmi ces nombreuses histoires, White Dog, réalisé par Samuel Fuller et sorti en 1982, est à part. Adapté d'un roman de Romain Gary, Chien Blanc, le film raconte l'histoire d'une comédienne qui recueille un berger blanc après l'avoir heurté sur la route. Devant l'agressivité de la bête, la jeune femme cherche à rééduquer ce nouveau compagnon des plus hostiles. Aidée par deux professionnels, elle s'apprête à faire une terrible découverte : l'animal n'est pas seulement un chien d'attaque, il a été dressé pour massacrer les Noirs.



Une œuvre politique



Intitulé Dressé pour tuer dans sa version française, White Dog prend son temps et attend son deuxième acte pour se dévoiler aux yeux des spectateurs. Si l’œuvre se présente de prime abord comme un gentil thriller, elle se métamorphose par la suite en une véritable fable politique et engagée. La machine de guerre aux crocs ensanglantés se transforme alors en martyr, victime de l'esprit humain. Conditionné pour déchiqueter de la peau noire, il devient l'instrument des esprits faibles et dangereux. Au cœur de son récit, le film pose une question cruciale : le racisme, décrit comme un cancer, est-il une maladie curable ? Si oui, quand est-il de la haine ? De celle qui reste, ancrée et cachée, au plus profond des pensées ? Cette interrogation, White Dog y apporte une réponse dans un final déchirant.


Loin de jouer le jeu du film « moralisateur » de bas étage, le long-métrage de Samuel Fuller ne se contente pas de séparer les gentils des méchants. White Dog pointe du doigt l'hypocrisie d'une partie de la population, pour qui la lutte des discriminations est avant tout une histoire d'image et de bonne conscience.



À l'épreuve du temps



Brillamment orchestré par son cinéaste, le film est sublimé par la composition du légendaire Ennio Morricone et utilise de nombreux ralentis pour souligner sa tension dramatique. Très imprégnée de son ambiance eighties, l’œuvre n'en devient pas pour autant kitsch. Les scènes d'attaques, particulièrement soignées, résistent au temps et font leur effet. Marionnettes, chiens en plastique et autres effets-spéciaux douteux sont rangés au placard pour laisser place à une mise en scène réaliste, incisive, qui sert son propos. Si la fourrure blanche de l'animal est souvent recouverte de sang, Samuel Fuller ne se complaît jamais dans l'outrance et le gore, comme si, finalement, la violence de son sujet était bien assez.


Au fil des années, White Dog a acquis un petit statut de film culte. Il reste, malgré tout, trop méconnu du grand public. Complexe et surtout complet, l’œuvre oscille entre différents genres : drame, horreur, film social et politique. White Dog de Samuel Fuller, qui n'a rien perdu de sa nécessité, demeure un objet cinématographique moderne, important et à ne manquer sous aucun prétexte.

ThomasDsr
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le 27 nov. 2018

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Thomas D.

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