Bien qu’explicite, le titre français est moins bon que l’original alors que le film est une adaptation de Chien blanc de Romain Gary. Pour un spectateur français, le titre original White dog fait très neutre, alors que l’histoire révèle qu’un « chien blanc » est dressé pour tuer les personnes ayant la peau noire, rien moins que ça.
Le générique est très sobre, en… noir et blanc, sous-entendu probablement très clair pour le spectateur américain. Suit un écran…noir avant le début du film (en couleurs). Julie Sawyer (Kristy McNichol), jeune actrice au volant de sa voiture, de nuit, vient de percuter un animal alors qu’elle roule dans les collines, du côté de Los Angeles. C’est un beau berger allemand tout blanc qui est sérieusement atteint. En amie des animaux, Julie le traine dans sa voiture et l’emmène en catastrophe chez un vétérinaire. Soulagement, l’animal vivra. Mais la facture est salée et le chien sans collier. Du coup, Julie emmène le chien et l’adopte provisoirement. Cependant, elle fait son possible pour retrouver le légitime propriétaire.
Le chien accompagne donc Julie sur les tournages et côtoie son soupirant. Le spectateur sent le danger, sans pour autant réaliser exactement de quoi se méfier. D’ailleurs Julie ne se méfie absolument pas. En sa compagnie, le chien est tranquille, souvent passif, sauf si on la menace elle. Mais il a déjà quelques réactions qui mettent… la puce à l’oreille. Une partie bien mise en valeur par la musique d’Ennio Morricone.
On sent bien qu’on aura plus qu’un film d’angoisse, même si cet aspect est réussi (gros plans sur la gueule du chien, agressions bien sanglantes, ralentis, etc.) Très frappante, l’attaque dans une église, le chien ensanglanté venant se reposer sous un vitrail montrant Saint-François d’Assise entouré d’animaux, dont un chien ayant la même allure que l’agresseur. On remarque aussi un accident particulièrement spectaculaire où un camion termine sa course folle en percutant violemment la vitrine d’un magasin intitulé « Oscars » faisant de Fuller un chien ( ! ) dans un jeu de quilles (le jeu étant bien entendu ce qui agite le microcosme hollywoodien préoccupé par la rentabilité). Bref, Samuel Fuller (qui apparaît dans le rôle d’un producteur), montre les crocs.
Le chien est souvent très tranquille, mais il a des accès incontrôlés qui amènent des accidents (de plus en plus graves) et il est capable de s’échapper d’endroits apparemment sécurisés. Tout ceci amène Julie à approcher « L’arche de Noé » endroit tenu par un dénommé Carruthers (Burl Ives), associé à Keys (Paul Winfield). Carruthers est spécialisé dans le dressage d’animaux pour les productions hollywoodiennes. Il dispose notamment d’une immense cage ronde (une ancienne volière ?) qu’il utilise pour mettre un animal sauvage directement en contact avec son dresseur. On a ainsi droit à quelques situations très spectaculaires. Julie a finalement admis que son chien est conditionné, elle voudrait qu’on le déconditionne et ne voit pas de meilleur endroit pour cela. Tout en visant une affiche de vaisseau spatial de ses fléchettes pour faire sa petite guerre des étoiles personnelle (et en regrettant le bon vieux temps de 100 dollars pour un shérif avec John Wayne), Carruthers tente de la dissuader. En porte-parole de Fuller (aussi pessimiste que Romain Gary), il considère que c’est sans espoir. Ultime recours, Keys l’associé de Carruthers. Keys est noir et très bon dresseur, il pense avoir… les clés du problème. Il considère que seul un noir peut remettre de l’ordre dans la tête du chien. Pour lui, aucun doute, l’animal a été conditionné dès son plus jeune âge, par un blanc raciste sachant parfaitement ce qu’il faisait. Keys affirme cependant qu’il y a une différence fondamentale entre l’attitude de l’homme et celle du chien. L’homme est raciste alors que l’animal est seulement conditionné pour reconnaître une peau noire et y réagir mécaniquement. Keys veut lui faire comprendre qu’il n’a pas à avoir peur de lui, homme à la peau noire.
Bon film d’angoisse White dog va bien plus loin, traitant le thème du racisme (et la violence qui l’accompagne), avec intelligence. Le scénario (signé Samuel Fuller et Curtis Hanson) maintient le suspense jusqu’à la fin et réserve des scènes très spectaculaires. Bien entendu, on ne peut s’empêcher de relever une esthétique années 80 (vêtements, coiffures, etc.), mais il fait toujours son effet. Les acteurs sont à la hauteur et on peut regretter que la prometteuse Kristy McNichol n’ait pas eu la carrière que ce rôle aurait pu lui ouvrir. Elle est parfaite de fraicheur, d’obstination un peu têtue (Julie reconnaissant une erreur fondamentale de comportement à un moment), parfaitement crédible dans sa volonté d’indépendance (elle a du chien !) Le milieu hollywoodien n’est montré que dans certains à-côtés, ce qui n’est pas plus mal. Toujours proche de l’élément naturel, Burl Ives hérite d’un rôle à l’opposé de celui qu’il avait dans La forêt interdite de Nicholas Ray.
On ne réalise pas tout de suite que le racisme est un thème essentiel du film, parce que Fuller insiste sur le côté thriller. Ce racisme est d’autant plus frappant qu’il provient d’un homme apparemment inoffensif, surtout accompagné de membres de sa famille. Bien entendu, la réaction de Julie quand elle le rencontre laisse entendre comment le racisme peut être inculqué dans un cerveau humain, mais c’est un peu léger par rapport à ce qu’il faudrait pour faire réfléchir toute personne ayant ce genre d’attitude. Même si le film insiste sur la durée pour le déconditionnement de l’animal (avec un résultat toujours sujet à caution), il peut déconcerter par son positionnement vis-à-vis du racisme, en dépit de ce que Keys espère réellement. Il est clair que la lutte contre le racisme est un enjeu fondamental, un engagement de chaque instant. Tout intelligent qu’il soit, ce film ne fera réfléchir que ceux qui le verront et daigneront le voir sous le bon angle.