C'est bien parce que c'est vous.

Il y a fort longtemps, quand je n'étais pas encore quelqu'un de raisonnable (...), j'avais rédigé une critique de ce film, toute pleine de frustration, de quoi choquer un bon panel d'entre vous ; de quoi, paraît-il, justifier un désabonnement que seule la grâce de quelques critiques de jeux vidéo est venue sauver (tu te reconnaîtras).


À force de reproches ("Mais comment ça, impossible, c'est un des meilleurs films que..."), j'ai consenti à le regarder une nouvelle fois (merci Netflix), pour l'amour de mes abonnés, pour la beauté de... Enfin non, surtout parce qu'à force de remarques, j'ai fini par me demander si je n'étais pas passée à côté. Me voilà donc un dimanche après-midi, à m'infliger de nouveau la chose, cette fois-ci en VO (parce que la VO saylebien, et que la VF saylemal, toussa).


Le fait est que non, je n'étais pas passée à côté des intérêts principaux du film, que je n'avais pas manqué de souligner dans ma précédente critique : il est très bien réalisé (ce qu'à mon sens, malgré ma note qui ne bougera pas beaucoup, j'estime qu'on ne peut pas lui enlever) et met en scène des contrastes intéressants de façon percutante : douceur/violence, calme/rage, amour/haine.


À l'époque cependant, la bande-annonce ne vendait pas le film, ce qui n'avait pas manqué de me faire accuser le coup : le pilote mis en avant dans le spot de promo, censé vous convaincre d'aller voir le film, n'est pas celui que l'on va y retrouver. Cette "tromperie" à coup de publicité putassière m'avait déjà fait descendre d'un étage. Mais passe encore le problème d'une promotion mal orientée : que Ryan Gosling ne soit le pilote de la bande-annonce ("Je vous laisse une fenêtre de 5 minutes. Pendant ce laps de temps, je ne vous lâche pas. Une fois les 5 minutes passées, ne comptez plus sur moi. Je ne participe pas au casse, je ne porte pas d'arme. Je conduis.") que pendant, à tout péter, 20 minutes du film, cela n'est un problème que si le spectateur a été dérouté dans l'idée qu'il s'en faisait au point de ne pas recevoir le film comme il le devrait, pour ce qu'il est vraiment. À l'époque, Fight Club, un bon parmi les bons, avait eu ce même problème. Et de fait, un camarade qui me l'avait chaudement conseillé m'avait vendu comme "un film sur les combats de rue" ce qui en réalité est brillante critique de la société de consommation. Rien à voir, en somme.


Passe encore, donc, que ce que le film a à me raconter sur son pilote ne soit pas vraiment ce que me présente la bande-annonce. Mon véritable problème, c'est que l'histoire qu'on me raconte ne va nulle part, tout simplement. Pour résumer, il n'y a de dénouement à rien. Autant je saisis là un choix délibéré, autant je me suis trouvée incapable d'y être réceptive. Quelques exemples : lui ne participe qu'à deux casses (dont un par résignation ; donc le cadre posé par l'introduction ne trouve que très peu de résonance par la suite), ne devient pas pilote, ne concrétise aucune relation avec sa voisine, ne prend pas l'argent ni ne le laisse à la fille, ne meurt pas (ce qui aurait été une conclusion tout à fait valable), et enfin part sans qu'on sache où. Les intentions de la voisine vis-à-vis de lui enterrent leur relation éphémère dans une ambiguïté lourde, et des silences trop longs, presque gênants, ponctuent des échanges qui ne parviennent à générer qu'une sorte de malaise (en tout cas chez moi, mais je ne conçois pas que ce genre de dialogue puisse avoir lieu dans la vrai vie, si vous voulez) ; quand il lui propose l'argent, elle ne parvient qu'à lui coller une tarte (ce qui reste compréhensible, puisque c'est un argent sale pour lequel le père de son enfant s'est fait refroidir), rejette sa proposition de partir avec lui pour finalement aller frapper à sa porte quand il lui annonce sur répondeur qu'il se barre, et nul ne sait ce qu'elle devient par la suite. Le pilote descend au cours des 15 dernières minutes du film tous les mafieux qu'il trouve sur son chemin... et c'est tout.


Je vois à peu près où on essaie de m'amener, mais on m'y amène mal. Que le pilote sacrifie tout dans le seul but de sauver le bonheur illusoire qu'il s'est imaginé avec sa voisine, d'accord. Mais formellement, aucun dénouement n'est formulé dans le film. Comment dire... C'est un peu comme si vous alliez au restaurant et que vous commandiez un menu : au moment de vous servir le dessert (ou le café), les mecs ferment boutique, éteignent la lumière, bouclent le restau et se barrent en vous laissant là, comme un con.


C'est comme ça que je l'ai ressenti, et après coup il m'apparaît que j'aurais certainement mieux noté ce film s'il s'était donné la peine de m'adresser un dénouement, une conclusion à tout ce qu'il a déclenché.


7 étant la note à partir de laquelle les films que j'ai regardés m'ont marquée, et 5 (ma note d'origine) étant plutôt sévère, nous voilà entre les deux pour une oeuvre qui ne me laissera pas un souvenir impérissable.


C'est bien parce que c'est vous.

Camiille
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le 29 oct. 2018

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Camiille

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