Je vais faire court vu la chiée de critiques qu'il y a sur le site. Je risque de ne pas apporter grand chose de nouveau. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les avis sont contraires.
Certains trouveront le film lent, chiant, présomptueux, surcôté, Ryan Goslin sans charisme, Carey Mulligan fade, la musique pompeuse, l'histoire sans intérêt......et tout ça je peux le comprendre.
Moi même, il y a une ou deux petites choses qui auraient dû m'énerver.
En temps normal, le visage angélique de Ryan Gosling et son attitude d'inadapté social aurait fini par me lourder. Mais pas là.....
En temps normal, l'utilisation des ralentis aurait fini par me fatiguer. Mais pas là.....
En temps normal, l'absence de dialogues percutants m'aurait endormi. Mais pas là...
En temps normal, j'aurais trouvé la scène du baiser dans l'ascenseur, au mieux risible et attendue, au pire pathétique. Mais pas là....
En temps normal, la présence d'une B.O. aux sonorités électro m'aurait plus qu'agacé (je suis plutôt folk et country!). Mais pas là....
En temps normal, un générique avec une typographie genre comics et d'un rose pétant m'aurait énervé. Et là, je trouve vraiment ça ridicule (la seule fausse note de l'oeuvre).
C'est la deuxième fois que Winding Refn me fait le coup (après "Valhalla Rising") et c'est la deuxième fois que je plonge la tête la première. Il se passe pas grand chose et pourtant je suis hypnotisé par l'écran. Mais comment fait-il? Seul un autre réalisateur arrive à m'envoûter comme çà (la bouche ouverte, limite le petit filet de bave qui coule des lèvres, imperméable à tout ce qui se passe autour de moi sauf éventuellement si c'est la fin du monde) et il s'appelle David Lynch (je pense surtout à "Mullholland Drive"). C'est difficile à expliquer car c'est du domaine du ressenti et des sensations donc "Drive" ne peut pas laisser indifférent: on aime ou on déteste.
Et moi j'adore. J'adore ses cadrages de la ville la nuit, j'adore cette musique planante sur ses images scotchantes, j'adore ces grands moments de silence où tout passe par le regard (des regards sont parfois plus explicites que des paroles, et puis ça fait du bien des films silencieux parmi toute cette production actuelle bien bavarde), et j'adore ses jeux de lumières.
A cela s'ajoute un casting performant: une Carrey Mulligan charmante comme c'est pas permis, un Ryan Gosling sobre et efficace, un talentueux (mais ce n'est plus une surprise) Bryan Cranston parfait en loser boiteux, et un Albert Brooks en mafieux intransigeant limite psychopathe.
Et puis cette utilisation parcimonieuse et intelligente de la violence. Elle se fait rare mais quand Refn l'utilise ce n'est pas pour rien et ça envoie sévère. Ca rompt la linéarité de l'histoire, c'est bref, dur et intense ce qui renforce le côté sombre de Gosling et le contraste entre sa bonne tête de petit communiant et la violence dont il est capable.
Le tout saupoudré d'une histoire d'amour tout en retenue et non dits et on obtient l'un des meilleurs films (ou l'un des pires selon certains autres) de ces dernières années.