J'ai envie d'écrire la plus longue critique de Drive sur Sens Critique.* Pourquoi ?
1/ Pour avoir la classe
2/ Parce qu'il est dans mon top 10
3 /Parce que je suis dans le train avec rien de mieux à faire
Dans Drive, il y a tout ce que j'aime dans le cinéma. Avant d'expliquer pourquoi, je vous déconseille de lire ma critique si vous n'avez pas vu le film, pour ne pas gâcher un des plus beaux moments cinématographiques potentiel de votre vie. Je recommande fortement Drive à tout le monde, quelque soit le public. Ce n'est pas un film d'action ou de voiture, et il ne faut pas nécessairement être ultra-cinéphile pour l'apprécier, même si ça aide !
Allons-y maintenant.
Bizarrement, j'ai envie de commencer par le thème abordé par le film, parce que ça n'a pas été beaucoup évoqué dans les autres critiques. En apparence, le scénario est très basique, facile à comprendre, sans twist, c'est du déjà vu... Pourtant le film propose une réflexion sur ce qu'est un héros (oui je commence par ça parce que j'ai un faible pour cette problématique (vive Dexter Morgan !)). A la fin, on se demande si Ryan est un héros ou non, parce que la question nous est finement posée dans le film. C'est fin car ce n'est jamais ouvertement débattu, et pourtant cela reste évident. Dès le début, la chanson «A Real Hero » nous conditionne : « human being, and a real hero » (faut comprendre un minimum l'anglais). Tout au long du film on retrouve ce thème, notamment par la mise en scène. Quand Ryan se prépare avant sa cascade de voiture pour un film, le traveling montre d'abord le reflet du héros du film, et continue pour que ce reflet devienne réalité au même endroit, juste derrière, en montrant Ryan. Faut faire attention quand même... Plus évident, dans le canapé devant la télé, Ryan et le petit discutent d'un personnage de dessin animé et se demandent si ce requin est méchant ou non : « How do you know he's a bad guy ? Because he's a shark ! ». Le jeu des mirroirs et le masque sont dans le même délire (tellement bien d'utiliser des mirroirs pour symboliser autre chose que la schyzophrénie !). Cela montre bien qu'au cinéma , même aujourd'hui, on n'a pas besoin de beaucoup de dialogues pour faire passer un message... De temps en temps, ça fait du bien !
Alors est-ce un héros ce conducteur ? Le film donne-t-il une réponse ? Même si la question reste ouverte, il est évident que le Driver est montré pendant la première moitié du film comme le Prince Charmant. Comme lui il n'a pas de nom, pas de passé, il est beau, habillé en blanc, sa voiture est sa monture (si si)... Il est 100% irréprochable, avec elle, avec son fils, et même avec son mari. Le Prince Charmant protecteur venu pour la sauver. C'est comme ça qu'elle le voit en tout cas. Mais forcément, un Prince Charmant doit savoir se battre et faire des choses pas très sympas pour retrouver la princesse, normal. La première fois où l'on voit son « côté sombre », c'est quand il parle violemment à un mec dans un bar (il le menace de lui exploser les dents de mémoire). Puis petit à petit, son côté psychopathe se dévoile jusqu'à la scène de l'ascenseur. La scène qui change tout, le tournant. Avant il est Prince Charmant, il l'embrasse, puis il devient monstre. Il explose la tête du mec, sans trop de difficultés, et donne un nombre de coups vraiment impressionnant. Franchement il fait peur ! Et voilà que la princesse ne peut plus faire semblant, elle a vu le coté noir du Prince Charmant. Son manteau blanc restera sale et taché de sang jusqu'à la fin du film, et la porte de l'ascenseur se referme. On comprend qu'il l'a perdue à cause de ça. Pourtant il n'a voulu que la protéger. Tout le film est construit autour de cette scène centrale, cristallisant à la fois sa monstruosité maximale et l'acmé de sa princecharmansité. Certains trouvent que le film bascule dans le gore et la violence gratuite. Au contraire, c'est loin d'être gratuit à mon avis, cela permet de se mettre à la place de la princesse, étonnée et choquée... J'ai vu le film deux fois au cinéma, et d'après la réaction de la salle... ça marche !
A la fin, il lui annonce qu'il ne la reverra plus et il s'en va. Le fait-il pour la protéger de lui ? On peut aussi se demander s'il est devenu tueur par amour pour elle ou si c'est en fait un habitué, qui part ailleurs refaire la même erreur... Tout ça m'a personnellement fait réfléchir, ce n'est donc pas seulement un film visuel.
Ensuite, Drive est cinématographiquement incroyable. On a l'impression d'assister à chaque plan à un travail de chirurgien. Quand ils sont trois dans la voiture par exemple, on voit Ryan Gosling, Carey Mulligan, et la tête de son fils dans le rétro. Tout est comme ça ; millimétré. La photographie, les décors, la ville la nuit, tout est superbe. En plus on sent que le réalisateur rend hommage au cinéma qu'il aime, et ça ça me plaît. Même sans être connaisseur du cinéma coréen (moi par exemple), la scène du marteau fait tilt tout de suite. Le cassage de crane rappelle « Irréversible », il dit lui-même avoir demandé conseil à Gaspard Noé (à qui d'autre faire appel pour ça en même temps ?).
Drive est aussi un film novateur pour moi. Une course poursuite de voiture sans vitesse, je suis désolé, mais c'est génial. Surtout avec ce résultat. On se fait 5 minutes avec eux, aucun plan n'étant extérieur à la voiture, avec une bonne tension et une musique pulsatile qui fonctionne parfaitement. Le choix de la musique en général est pour beaucoup dans la réussite du film, avec un décalage original entre le son 80's et la ville actuelle. L'écriture rose bonbon donne aussi du charme dès le générique.
NicolasWinding Refn (NWR) réussit à rendre contemplatif un film d'action. Drive n'est pas une idée sortie de la tête du réalisateur, mais un film de commande, donc voulu par un producteur. En plus c'est une adaptation de livre. Le géni de NWR a donc été selon moi de mélanger un côté « film d'auteur » à une œuvre très hollywoodienne. Tout cela donne un film unique, captivant, depuis le tout début jusqu'à la fin. Certains passages sont purement contemplatifs, montrant même des scènes cucul la praline au ralentit, proche d'un roman photo de « Jeune & jolie », mais ça passe. Il y a une sorte de magie grâce à la musique et parce qu'elles sont comprises dans un film avec des poursuites et des gangsters. A l'opposé, le film captive aussi grâce à des scènes sans musique, où seules la tension et l'attente tiennent en haleine : quand il rencontre le mari dans le couloir, on se demande s'ils vont se battre, avec son marteau on s'attend au pire, etc.... Il y a toujours des fausses pistes qui gardent le suspens (on croit un moment qu'il va faire des courses de voiture).
Pour les acteurs, notre ami Ryan joue bien sans rien faire ni parler, il doit avoir la gueule de l'emploi : acteur. Carey Mulligan est assez moche malgré ce qu'on peut lire, mais bon je comprends l'idée d'en faire un peu une madame tout le monde, même si on se demande pourquoi il tombe amoureux...
J'ai aimé Drive pour toutes ces raisons longuement développées, mais une seule suffit : c'est une claque visuelle et auditive exceptionnelle, j'en redemande !
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