Deux ans après la mort de sa femme, Yusuke est invité à participer à un festival de théâtre pour monter Oncle Vania, de Tchekhov. Pendant sa période de résidence, on lui propose un chauffeur en la personne de Misaki, jeune fille timide et réservée. Non sans réticence, il finit par lui confier le volant de sa Saad 900 rouge... Tout en délicatesse et en subtilité, le film raconte leurs histoires respectives, et la manière dont elles se répondent.
Quelle place les morts gardent-ils dans nos vies ? Comment continuent-ils d'exister, voire de nous hanter ? Comment continuer à vivre, à créer, malgré leur absence, en gardant pour nous des questions qu'on n'a jamais posées ? Ces questionnements, éprouvés par les protagonistes, nous renvoient à notre propre attitude face à la perte d'êtres proches.
La narration et la fiction occupent une grande place dans le quotidien des personnages (Yusuke est metteur en scène, sa femme est scénariste), jusqu'à s'immiscer dans leur vie réelle : l'autre est-il vraiment celui que l'on croit, ou joue-t-il simplement un rôle ?
On signalera enfin le traitement simple et délicat qui est fait ici de la question du handicap, loin des clichés cinématographiques habituels qui se résument (trop) souvent au tragique ou à la pitié. Le film évoque en effet non seulement la manière dont les blessures de la vie s'incarnent dans les corps (la cicatrice de Misaki), mais aussi comment les faiblesses du corps forgent une personnalité : on pense ici à une scène de dîner où la comédienne muette s'exprime de façon simple et désarmante, en confiant qu'elle est "habituée" à être incomprise, et qu'elle compose constamment avec cette incompréhension de la part des autres. La force qui se dégage alors de cette femme impose simplement le respect. Dans la pièce de théâtre, sujet du film, la langue des signes devient, sur scène, une véritable chorégraphie.
Une oeuvre cinématographique sublime et poétique, tout en retenue et en maîtrise, où la beauté surgit même des silences. Sa durée (3h) ne doit pas effrayer : plus qu'un film, c'est une immersion, une expérience.