Les courses automobiles professionnelles (mettez donc de côté les Fast & Furious et autres divertissements hollywoodiens de ce genre) n’ont jamais vraiment brillé au cinéma (à part le dernier en date, Rush, qui semble avoir titillé la curiosité de bon nombre de critiques et spectateurs). Il faut dire aussi que les films sur le sujet qui nous ont été proposés sont peu nombreux et ne peuvent prétendre avoir une qualité mémorable. Tout de suite, il nous vient à l’esprit Jours de Tonnerre, de Tony Scott avec Tom Cruise. Qui ne valait déjà que pour sa mise en scène énergique, rien de plus ! Alors, qu’en est-il d’un des pires films de courses de voitures jamais réalisés ?

Jimmy Bly (Kip Pardue) et Beau Brandenburg (Til Schweiger) sont deux pilotes rivaux, qui concourent pour le championnat de Formule 1. Mais ces derniers temps, Jimmy accumule les contre-performances, perdant toute confiance en lui. Le propriétaire de l’équipe, Carl Henry (Burt Reynolds), décide alors de faire appel à son ancien pilote vedette, Joe Tanto (Sylvester Stallone), ayant abandonné le monde des courses à la suite d’un grave accident, afin que celui-ci vienne en aide à Jimmy en prenant la place de coéquipier. Mais la rivalité entre Jimmy et Beau n’en sera pas plus adoucie, mettant sur le devant de la scène une guerre à la fois professionnelle et sentimentale.

Il faut admettre quelque chose : dans ce genre de film, il est vrai qu’en tirer un scénario qui sorte de l’ordinaire, c’est mission impossible ! Cependant, cela n’empêche pas les scénaristes de se pencher, de s’intéresser aux personnages qu’ils proposent. De nous livrer quelque chose qui ait un sens, qui soit un minimum crédible. Voir Sylvester Stallone au scénario mettait déjà la puce à l’oreille quant à la forme du script final (même s’il nous a déjà épaté avec Rocky). Mais jamais je ne m’attendais à une ineptie scénaristique aussi monumentale ! Vous pensiez avoir tout vu avec Jours de Tonnerre, Michel Vaillant et Speed Racer ? Erreur, il vous manque Driven !

Jours de Tonnerre proposait des dialogues sans saveur, des personnages hautement stéréotypés et une niaiserie sans nom (un très mauvais Top Gun). Et pourtant, Driven nous montre que les limites du ridicule peuvent toujours être repoussées. Ici, les répliques sont d’une lourdeur et d’une connerie inimaginables, les séquences s’enchaînent on ne sait comment (on passe d’une soirée à une course dans les rues parce que l’un des pilotes est en mode « vénère » et que notre cher Sly tente de calmer en le rattrapant), l’ensemble propose des romances à dormir debout (Sly prend la place de coéquipier qui comme par hasard était tenue par son ex-femme, la rivalité entre nos deux jeunes pilotes est due en partie à une femme qui ne cesse de jouer les métronomes entre les deux camps)… le scénario est tout simplement vide de sens ! Et totalement inintéressant !

Sans compter que les acteurs sont mauvais de chez mauvais ! Que ce soient les jeunots (Kip Pardue, Til Schweiger, Stacy Edwards… de véritables têtes-à-claques !) ou les vétérans du cinéma (Sylvester Stallone, Burt Reynolds… en mode « je m’en foutiste car je suis payé »), aucun comédien ne sauve le film du désastre. Ne permettant aucun attachement entre leur personnage respectif et le spectateur qui préfère détourner le regard plutôt que de se perdre avec ces guignols en combinaison de pilote. Et si vous n’êtes toujours pas convaincus, pensez donc au rôle de Stallone dans ce film : Sly, le mec qui a joué Rocky et Rambo, et qui continue sa carrière dans des films de cet acabit, se retrouvant ici en tant que conseiller et tuteur donnant des leçons de morale, c’est plausible une seule seconde ? Avec ce constat en tête, vous vous rendrez compte que rien ne va dans ce film !

Et le pire dans tout cela, c’est que niveau courses et adrénaline, le film nous prend pour des pigeons ! À la réalisation, nous avons Renny Harlin, habitué des films d’action des années 90 (avec 58 minutes pour vivre et Cliffhanger). La personne idéale donc pour mettre sur pied un tel projet (nous pouvons reprocher à Jours de Tonnerre ses nombreux défauts, le talent et l’énergie de Tony Scott donnaient néanmoins du panache à l’ensemble). Mais qui, malheureusement, se limite à ce qu’il sait faire de mieux, à savoir tout faire péter ! Or, pour des courses de voitures, ce n’est pas vraiment crédible. En effet, jamais vous ne verrez autant de carambolages, de flammes et de voitures volant dans les airs dans une course de Formule 1 ! Avec une mise en scène qui insiste bien sur le côté spectaculaire (zoom à gogo sur les pièces détachées, caméra proche du véhicule en mauvaise posture…) mais qui fait plutôt ressortir tout le côté grotesque des effets visuels, pas très beaux à regarder (leur nature de trucage n’est jamais cachée). Alors, rajoutez à cela des détails invraisemblables (comme décélérer pour accélérer) et des faux raccords monstrueux (des accidents se produisant sur un circuit différent de celui emprunté par les bolides à ce moment-là) et vous obtenez des courses sans queue ni tête et qui manquent de crédibilité pour être intéressantes à suivre. Un comble pour ce genre de film !

J’en vois certains qui commencent à me pointer du doigt et qui crient que ce film peut être vu d’un autre œil. Qu’il ne peut s’agir que d’un nanar et qu’il a été conçu comme tel. Ce qui expliquerait la nullité du scénario, le surjeu des acteurs et le trop plein de n’importe quoi en ce qui concerne les courses. Pourquoi pas au final ? Mais franchement, un nanar, c’est drôle (malgré lui), c’est assumé, ça fait bizarrement passer le temps. Driven n’a aucune de ces qualifications ! Il est inutilement long (à cause de ces romances et des blablas des personnages), ennuyeux (n’ayant rien qui puisse titiller notre intérêt ne serait-ce qu’une seule seconde) et ne provoque jamais le rire. De plus, un film qui se permet de claquer plus de 90 millions de dollars, je doute qu’il se risque à vouloir être un nanar ! Surtout quand son scénariste (ça me fait toujours drôle d’appeler Stallone ainsi) a passé le plus clair de son temps sur les circuits de Formule 1 afin d’écrire ce script, qui finalement n’est resté qu’à une première version brouillonne. Un nanar n’aurait pas nécessité un tel engouement de l’acteur pour les besoins de ce film.

Une catastrophe commerciale bien méritée (n’ayant rapporté que 50 millions et quelques au box-office mondial), Driven est un film qui a su marquer le cinéma dans bien de mauvais sens. Et pour cause, il est le témoin de la chute de Sylvester Stallone (qui a su se relever bien des années plus tard avec Rocky Balboa, John Rambo et la saga des Expendables) et de Renny Harlin (qui cherche encore à revenir sur le devant de la scène, sans succès). Il est la preuve que le sport automobile a bien du mal à faire son nid dans le milieu cinématographique. Et il montre que même avec des stars et un budget conséquent, Hollywood peut arriver à nous pondre une connerie sans nom et sans aucune qualité. Bref, Driven est une bien belle sortie de route !

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