Il y a des réalisateurs qui œuvrent toute leur vie dans le film de genre, ce qui leur vaut d'être étiqueté par les critiques comme "habile technicien", "gentil faiseur ", "yes man", ou encore "sale tâcheron".
Le statut d'Auteur leur est interdit, en dépit de tous les signes qu'ils déploient pour montrer une cohésion artistique d'ensemble, des thèmes récurrents, une authentique velléité d'artiste. Ce n'est que lorsqu'ils sont morts en laissant derrière eux une œuvre plus personnelle que l'Histoire leur accorde un crédit.
Vous vous étonnez que le début de cet article concerne un film de Renny Harlin plutôt qu'une éloge de Don Siegel ?
Ça signifie que vous êtes sous le joug de cette mauvaise presse que le réalisateur subit. Les critiques ne voient en lui qu'une sorte de fou incapable qui aligne merde sur merde.
Or il n'en est rien.
Renny Harlin est un véritable auteur. Sa seule particularité c'est que là où McTiernan fait ses films avec sa tête, Renny les fait avec ses couilles !
Ouais ! On a affaire à un bourrin : son film le plus subtil est celui où Samuel L. Jackson est défenestré par une explosion, traverse un panneau publicitaire pour s'éclater dans un arbre avant de tomber au sol puis tuer un garde qui passait par là avec un couteau ( en 5 secondes ) !
Driven est la pierre angulaire de ses œuvres. Regroupant l'intégralité de ses obsessions personnelles ( Le héros désabusé qui n'a pas envie d'être là alors qu'au final c'est ce qu'il fait de mieux ; le personnage féminin n'est pas une putain de bimbo, elle a des cheveux courts et sa maturité intellectuelle apporte un équilibre au héros ; l'eau est dangereuse, n'allez pas dedans ! ) ainsi que celles de Stallone ( le dépassement de soi, la rédemption, et - à l'époque - l'idée de passer le relais* ) le film contient une densité dramaturgique qu'on ne lui soupçonne pas.
Une multitude de personnages hauts en couleur vont se croiser, chacun représentant une valeur sociale contemporaine ( le respect par la victoire, le sport pour l'argent, etc... ) et le personnage de Stallone va les remuer les uns après les autres pour finir, au terme de la dernière course, par mettre tout le monde d'accord...
Parlons-en des courses, puisqu'après tout, elles sont le maître argument commercial de Driven.
Dans Days of Thunder, Tony Scott parvenait par son incapacité totale à gérer la notion d'espace, à me perdre au bout de deux tours, alors que la piste était un gigantesque cercle !
Ici, Renny fait preuve de clarté et d'inventivité. Chaque course y va de son accident spectaculaire, et chacun a sa personnalité...
( A ce sujet, ne venez pas me parler de réalisme : je SAIS qu'il n'y a pas un accident par course en F1 ou Indy-cart. Mais dans le cadre d'un film-à-fric estampillé Warner Bros. l'absence de réalisme est dans le cahier des charges ! )
Ralentis hypnotiques, caméra embarquée, Renny n'hésite pas à aller jusqu'à envoyer un pneu dans le public !!
De plus, en bon prélude à toute une flopée d'adaptations de jeux vidéos, les courses ont des noms et des settings : Circuit 1 - Soleil / Circuit 2 - Pluie / Ville 1 - Nuit, etc...
Et, comble de la maniaquerie, Renny a été jusqu'à caster les comédiens en fonction de leurs yeux, tant le film repose sur leurs performances dans le casque !
Il nous livre une œuvre essentielle, démesurée et grandiloquente, mais quoi qu'en disent les experts autoproclamés, le tout m'est extrêmement sympathique, et la fin me transporte !
- Notion qui n'est plus d'actualité, pour le bonheur de tous.