Des zobs et des dieux
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1906. Après dix années de bons et loyaux services comme missionnaire dans les colonies africaines, le révérend Charles Fortescue rentre en Angleterre pour se marier et se voit confier par l’évêque de Londres une nouvelle mission auprès des femmes de petite vertu, qu’il est chargé de ramener dans le droit chemin.
Fortescue, en tant que pasteur anglican, peut se marier. Ce n’est donc pas sa chasteté qui est mise à l’épreuve, mais sa pruderie et sa conception rigide de la vertu. Ce sympathique pasteur croisera sur son chemin une lady dévergondée, une fiancée fofolle et naïve qu’il n’a jamais vue et de joyeuses prostituées.
Drôle de missionnaire verse à l’évidence dans un esprit anticlérical assez délectable. Mais pas un anticléricalisme acerbe ou virulent. Quelque chose de plus fin, terriblement britannique. Assez respectueux mais toujours irrévérencieux et mordant. Ce qui rend peut-être l’attaque plus efficace. Richard Loncraine et Michael Palin s’amusent à moquer la posture édifiante du clergé, toujours prompt à remettre autrui dans ce qu’il perçoit comme « le droit chemin ».
Comme tous les films britanniques se déroulant pendant l’ère victorienne, le film s’attache à dépeindre une société étouffante de principes où l’apparence est reine. On peut être une lady aux multiples amants, à condition qu’on maintienne une devanture respectable. Drôle de missionnaire m’a semblé être le pendant comique des superbes adaptations de E.M. Forster par James Ivory (Chambre avec vue, Maurice). On y retrouve, me semble-t-il, le même classicisme élégant dans la forme, dans la bande-son, dans les costumes et la photographie.
Si la comédie est si réussie, c’est qu’elle est avant tout pétrie d’humour à la fois simple et efficace. Qu’il s’agisse du pasteur qui prend la bonne pour sa fiancée ou du majordome complètement désorienté, les gags font mouche. Richard Loncraine à la réalisation et Michael Palin au scénario offrent une délicieuse inversion des rôles. Les hommes y sont tous pompeux et hâbleurs. Face à eux, les femmes s’affirment par la prise en main de leurs désirs, poussant ce héros rigide à multiplier les écarts à la vertu.
La première heure du film enchaîne les situations hilarantes à un rythme effréné. J’ai peut-être un peu regretté que la dernière partie s’éloigne de l’esprit des deux premiers tiers du film pour s’orienter vers ses séquences toujours plaisantes mais un peu plus convenues (le pasteur qui cherche à prévenir l’assassinat du mari) d’un point de vue scénaristique.
Michael Palin excelle dans le rôle du pasteur, séduisant malgré sa raideur. Il s’est écrit le rôle parfait qu’il incarne avec une élégance étonnante. Trevor Howard, dans ses quelques scènes, est absolument génial dans le rôle de ce Lord Aymes pontifiant. Mais le stradivarius du film, c’est Maggie Smith Sa lady dépravée est un chef-d’œuvre d’interprétation comique, que ce soit dans ses regards exaspérés ou sa manière d’épeler le mot « agony ». Faut-il rappeler à quel point elle était une immense actrice, à ne pas réduire à ses prestations, certes réussies mais mineures, dans la saga Harry Potter et Downton Abbey.
Mordant et délicieusement irrévérencieux, Drôle de missionnaire est une satire hilarante et réussie. Avec son humour ciselé et son casting exceptionnel, c’est une pépite british à savourer sur Arte.
Créée
le 1 déc. 2024
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