Drone
5.6
Drone

Film de Simon Bouisson (2024)

Quelqu’un vous observe en ce moment-même !

Quel dommage quand même que Brian De Palma ne fasse plus de films, à une époque où toutes ses intuitions, ses obsessions même (sur l’omniprésence de l’image, sur la société de contrôle, sur la manipulation du réel et de sa perception) ont été validées par la réalité ! Quel dommage que ce ne soit pas lui qui ait filmé ce scénario passionnant, où une jeune architecte réalise qu’elle est filmée par un drone, qui va peu à peu s’immiscer dans sa vie amoureuse et professionnelle, et la transformer en véritable cauchemar ! Ce sujet, parfait pour lui, lui aurait permis en outre de revenir sur ses analyses du voyeurisme, sur son goût pour les femmes – séduisantes, on reste le boomer qu’on a toujours été – qui savent retourner les situations les plus dangereuses à leur avantage.

On ne sait pas – et en fait, on ne veut pas savoir, si Simon Buisson est un fan de De Palma. Parce que formellement, son Drone n’a rien de « depalmesque », c’est-à-dire rien ni de « hitchcockien », ni de « post-moderne ». Et c’est d’ailleurs peut être là que le bas blesse : il y a par moment un peu trop du « cinéma d’auteur », comme on le connaît bien, dans Drone pour son propre bien. Ce qui veut dire que le film va de temps à autre manquer de la clarté et du tranchant que son sujet demandait, s’offrant des circonvolutions psychologiques qui ne cadrent pas bien avec un scénario de « thriller conceptuel ». Et faire qu’on peut trouver le temps un peu long pendant la première moitié du film : comme souvent, réduit à 1h30 au lieu de ses 1h50, Drone aurait pu être un chef d’œuvre du genre…

Les plus anti-wokes parmi les spectateurs seront plus que probablement irrités par le point de vue très « anti-masculinité toxique du film » : les deux personnages principaux masculins représentent chacun à sa manière les travers les plus haïssables du mâle traditionnel, tandis qu’on peut aisément assimiler la présence envahissante du drone – et de celui / ceux derrière -, à une représentation symbolique du « male gaze ». Le tout est d’ailleurs conjugué à une célébration des amours saphiques comme mode de guérison ! Mais, avouons-le, c’est leur problème, pas le nôtre… Et ce n’est certainement pas lecture la plus intéressante du film…

Car, au delà des qualités de son script et des limites de sa mise en scène, Drone bénéficie de trois atouts de taille : le premier est évidemment les prises de vue acrobatiques et spectaculaires réalisées grâce à des drones (sans que cette virtuosité soit critiquable, puisqu’elle est raccord avec le sujet du film) ; le second est d’avoir situé l’action dans le milieu de l’architecture, ce qui crée un contexte esthétique fort, et contribue pleinement à l’inscription d’un sujet « d’anticipation » au sein de la réalité urbaine parisienne ; le dernier est d’avoir confié le rôle principal à Marion Barbeau, qui n’est pas (encore) une actrice, mais qui est une grande danseuse : cela permet de privilégier l’impact physique des mouvements de poursuite, de traque, de chasse, et de contrebalancer l’aspect très mental du thriller. Marion impose au spectateur une remarquable « présence » à l’image, rejoignant dans les dernières scènes du film l’image iconique d’une Sigourney Weaver luttant pour sa survie dans Alien…

… ce qui n’est pas rien, on en conviendra !

[Critique écrite en 2024]

https://www.benzinemag.net/2024/10/07/drone-de-simon-buisson-quelquun-vous-observe-en-ce-moment-meme/

EricDebarnot
6
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le 8 oct. 2024

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Eric BBYoda

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