Chinese Connection
Ambitieux autant que talentueux Johnnie To a toujours eu une gestion particulièrement bien huilée de sa carrière. En occident il est connu pour ses polars secs et racés, des bijoux noirs et...
le 14 août 2013
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La lutte contre la drogue, le traditionnel jeu du gendarme et du voleur avec les retournements des infiltrés et autres ne sont ici qu'un prétexte. Un double prétexte.
Un prétexte d'abord pour la Milkyway, la compagnie hongkongaise de Johnie to de continuer à faire du cinéma. Avec toujours sa troupe si attachante, expressive et douée. Avec son incroyable, inimitable sens du rythme, qui ne fait de l'action que pour amener à des situations cocasses, baroques, incongrues. Avec ces partis pris, une idée originale par séquence, que la majorité du cinéma a abandonné depuis si longtemps. Une scène de retrouvailles jouée par des muets. Une scène de dialogue rejouée, à cinq minutes d'intervalles, par deux acteurs différents. Des scènes d'écoutes en cascade. Un trompe-l'oeil savoureux sur qui est flic, qui est truand. Mais on notera que la violence est davantage présente dans cet opus. Pas seulement dans la fusillade finale. Il y a tout de même un corps qui se fait rouler dessus, une jeune femme à terre, blessée, sur laquelle on tire à plusieurs reprises pour détourner l'attention. Un ton désabusé aussi, avec du luxe, de la corruption... Et bizarrement, les héros, nobles dans leurs intentions, semblent ternes alors qu'on prend presque parti pour les trafiquants.
Car le deuxième prétexte est à mon sens politique. Je ne peux pas m'empêcher de voir tout un sous-texte sur la mise au pas de Hong Kong. Dans lequel les trafiquants représentent le cinéma hongkongais classique, face au déluge de niaiseries à base de héros traditionnels chinois, moralisants, qui inonde désormais le cinéma asiatique, et auquel la production hongkongaise a bien dû se plier.
Qu'est-ce qui me fait dire ça ? On voit des trafiquants qui sont muets et parlent par signe (la censure à Hong Kong). L'équipe qui tente de les arrêter est faite de robocops déshumanisés qui font nombre et se cachent derrière des tonneaux qui évoquent les boucliers des CRS. La mise en scène nous fait prendre partie pour les trafiquants flamboyants en pyjamas, qui jouent sur les marges de la société.
L'acteur principal jouant le policier a un air de droopy froid et détaché dont l'expression rappelle Xi Jinping, et parfois aussi les expressions de Jackie Chan, ce terrible transfuge du cinéma hong-kongais devenu un porte-parole du pouvoir officiel (il a condamné les émeutes hongkongaises pour la liberté au nom de l'ordre).
On parle en mandarin, pas en cantonnais (enfin il me semble. Et je parierais qu'il y a un jeu là-dessus).
L'espace est saturé de caméras, il semble régner un ordre terrible et froid sous une apparence normale.
La dernière scène est une injection mortelle pour le principal truand, prêt à donner tous les siens pour continuer à vivre, mais qui ne peut échapper à la condamnation implacable.
J'espère vraiment que ce personnage n'est pas une allégorie de la Milkyway. Mais je ne peux m'empêcher d'être profondément inquiet de ce qui arrive au cinéma de Johnie To.
Un étrange silence règne. Il me terrifie.
Je ne peux plus regarder comme avant le cinéma hongkongais. Et rien que pour ça, j'en veux terriblement au pouvoir chinois. Il a fait des choses bien pires. Mais il m'a volé un de mes plaisirs préférés. Des films de gangsters faits par une bande qui avait toujours su parfaitement se renouveler.
Créée
le 23 janv. 2024
Modifiée
le 23 janv. 2024
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