På din !
On pensait Vinterberg incapable d'égaler son formidable "Festen", et on s'était habitué à le voir sortir, bon an, mal an, des films plus ou moins bons. Et voilà que ce merveilleux "Drunk" nous...
Par
le 14 oct. 2020
135 j'aime
21
Drunk est un film réalisé par Thomas Vinterberg. Sorti en France le 19 mai 2021, le film montre quatre amis qui décident de mettre en pratique la théorie d’un psychologue norvégien selon laquelle l’homme aurait dès la naissance un déficit d’alcool dans le sang. Avec rigueur et discipline, ce groupe d'amis va se mettre à boire en cachette, chaque jour, en espérant que leur vie n’en sera que meilleure…
Une fable contemporaine
Drunk est savamment construit, à la manière d'une fable contemporaine qui amuse d'abord, instruit ensuite. Le film brosse le portrait d'un groupe d'amis danois - tous presque cinquantenaires - et tous alangui, plongés d'une vie molle, lassante, une vie qui bat de l'aile et qui peine à trouver du sens. Drunk moque avec sarcasme nos modes de vie contemporains marqués au fer rouge par une morosité ambiante alarmante. Le film fait le portrait d'une société danoise pesante et frustrante, trop sérieuse et dont la tristesse s'incarne à travers les parcours de vie de cette bande d'amis au bord de la dépression. Drunk est un récit de vie et de passage d'un âge à l'autre (le passage à la cinquantaine) et toutes les questions que ça pose. Ai-je la vie dont j'ai toujours rêvé ? Est-ce que j'aime mon travail ? Suis-je vraiment heureux ? La bande d'amis va ainsi se mettre à boire - en suivant une thèse scientifique qui établit un lien entre bonheur humain et taux d'alcool dans le sang - pour trouver cette folie qui manque tant à leur vie. S'enivrer pour s'exciter et pour trouver une autre manière de voir, de juger, d’apprécier les choses de la vie. Le film n'en reste pas au simple divertissement et ouvre une belle réflexion sur sur l'addiction au sens strict et sur l'humain au sens large.
What a life !
Drunk est une expérience qui invite à sortir des sentiers battus. Les personnages du film, en s'enivrant, sortent de leur zone de confort pour sortir de leurs crises existentielles. Là est peut-être la philosophie qui se cache derrière Drunk : comment trouver le désir même de vivre et sortir des eaux troubles de l'existence ? Drunk nous apprend à oser (en citant explicitement Kierkegaard : "Oser c'est perdre pied momentanément. Ne pas oser c'est se perdre soi-même") sans abuser. Drunk est une ode à une vie dans laquelle il est bon, parfois, de vivre avec insouciance, de profiter et de s'abandonner mais toujours en se respectant soi-même et les autres. Être sage, mais à quel point ? Être fou, mais jusqu' où ?
Entre tendresse et désespoir
Le spectateur est tenu en haleine, du début du film jusqu'à la fin et cette scène triomphale et déjà culte où l’on voit Mads Mikkelsen qui cabriole, tournoie, s'envole tel un acrobate heureux qui laisse le public dans un sourire béat. Drunk réussit son pari de filmer l'ébriété sans grossièreté : les scènes alcoolisées sont toujours habilement mises en scène, rythmées par des performances d'acteur remarquables et par une bande originale endiablée. On est donc loin d’une leçon de morale, d’une comédie grotesque ou d’un prosélytisme mal-venu. Drunk est bien dosé, jamais provocant ou caricatural mais toujours élégant et mesuré. Aller voir Drunk c'est assister à un spectacle ; c'est aller voir un film qui réchauffe, qui éblouit, qui enchante sans modération. Le show tient en grande partie à la performance d’acteur de Mads Mikkelsen, dont la stature, la raideur et le sérieux du début cèdent peu à peu place à la désinvolture et à la gaité de la fin. L'acteur personnifie prodigieusement le phénomène de la désinhibition, à travers l'alcool et la danse. Tout en lâcher-prise - Mads Mikkelsen transmet beaucoup d'allégresse et de liberté, tel un phœnix joyeux qui renaît de ses cendres. Tel un phœnix qui danse.
Renversant, saisissant, bouleversant… La danse est centrale dans le film - et c’est un merveilleux outil cinématographique, chorégraphique - pour illustrer la légèreté vulnérable des personnages qui oscillent entre fragilité et beauté. L'être humain est ballotté ; il vacille, flanche, sombre, résiste, se relève puis retombe… dans un incontrôlable équilibre dicté par le sens de la vie. Drunk réussit à montrer ceci : l'incontrôlable légèreté de l'être aux prises avec les peines et les haines de son époque. Et pourtant, si la vie ne vaut rien, rien ne vaut la vie. Finalement, l'ivresse dans le film est est un prétexte narratif pour peindre l'homme dans l'instabilité de la vie. Et puis, entre ivre et vivre il n'y a qu'une consonne perdue, non ?
Créée
le 27 févr. 2022
Critique lue 20 fois
D'autres avis sur Drunk
On pensait Vinterberg incapable d'égaler son formidable "Festen", et on s'était habitué à le voir sortir, bon an, mal an, des films plus ou moins bons. Et voilà que ce merveilleux "Drunk" nous...
Par
le 14 oct. 2020
135 j'aime
21
Deux ans seulement après Kursk, son film de sous-marin, Thomas Vinterberg retrouve avec Drunk l’aventure de groupe initiée par Festen et La Communauté. Un retour gagnant pour un film aussi...
Par
le 2 oct. 2020
99 j'aime
2
J'hallucine. En sortant de la séance, je pensais enfoncer des portes ouvertes en émettant rapidement mon jugement sur ce film médiocre et politiquement néfaste, oui, je pensais pouvoir m’en tirer...
Par
le 26 oct. 2020
94 j'aime
42
Du même critique
Mr Bachmann and His class montre des visages d’adolescents sérieux, timides, craintifs, qui deviennent peu à peu enjoués, attachants et familiers le long du film. En Allemagne, une classe de...
Par
le 27 févr. 2022
1 j'aime
Le documentaire nous replonge dans la vie et l'oeuvre de Charlie Chaplin, comme on rembobinerait la bobine du film de toute une vie. On découvre l'intimité d'un quotidien d'artiste, dans tous ses...
Par
le 14 janv. 2021
1 j'aime
Une histoire d'amour - évidemment - parle d'amour ; et fait le portrait d'un amour au féminin pluriel, en mettant en scène les variations du sentiment amoureux de trois personnages : Katia, Justine,...
Par
le 27 févr. 2022