juillet 2009

Dieu qu'il est difficile d'écrire quelques mots sur un film noir alors qu'on a le dos sur le sable chaud d'une plage méditerranéenne, avec la grande voûte bleue au dessus de la tête et un soleil radieux qui brûle la peau. Toute cette lumière et évoquer les sombres lueurs d'une bijouterie visitée de nuit par des cambrioleurs aux aguets. Il y a là quelque incongruité, vous avouerez. Cela fait quelques jours déjà que j'ai vu ce film et je ne sais pourquoi, je repousse toujours à plus tard mon exposé. Alors je prends le taureau par les cornes et j'y vais.

Pour commencer, je peux d'ores et déjà louer le travail remarquable qui a été fait sur ce Gaumont DVD . La qualité criterionesque des contrastes, la netteté des détails, la souplesse du grain, le spectacle est éblousissant. On a l'impression de regarder un Blu-Ray, on a les rides, les petites perles de sueur avec une précision qui fait saliver de plaisir. J'aimais déjà le film avant cette revoyure. Je l'aime encore plus.

Tiens, le drapeau est passé au vert. Foutre, ils ont engagé Pamela Anderson ou quoi? Merde, concentre-toi. Je vous avais dit que c'est dfifficile d'écrire à la plage.

Rentrons vite dans le vif du sujet, dans la chair du film. Et le générique nous en promet de la bidoche, du gras et du jus autour, avec Auguste Le Breton aux manettes, avec un scénario aux petite oignons, jactant un argot fleuri et comac, droit au but. Cette histoire de casse est très bien écrite, d'un équlilibre de funambule, d'une symétrie d'horloger, ça tourne rond, au millième de seconde. En trois parties bien roulées, l'exposition des personnages, de la situation, ensuite le casse en préparation et en exécution, enfin les emmerdes. Tic tac, tempo maitrisé... zut, le stylo déconne, du sable? Non, faut que je change de position... rhhhaaaa je me suis mis du sable partout!

Bon, pour aligner ce langage interlope, pour mettre en image un si géométrique scénario, il fallait à l'américain Jules Dassin le talent de s'associer à quelques cadors de la pelloche parisienne. En premier lieu, on vantera jamais assez la place qu'y prend Jean Servais. Ce comédien sec et vieillissant, offre une gueule patinée, cassée. La photo d'Agostini marque encore plus ses rides. L'acteur joue la fatigue, l'usure avec un immense talent. On sent que le bonhomme est au bout du chemin, un héros noir idéal. On sent également qu'il en faut peu pour ouvrir la barraque à gifles ou le stand de tir à vue. Son regard noir et bleu acier découpe, tranche, lacère, exécute. Impressionnant. Rarement on a atteint un tel degré de force et de puissance dans un simple regard.
Autour de lui, les autres paraissent forcément presque comme des enfants. Le grand Mohner, bien bâti mais mal doublé laisse peu de doutes sur sa nationalité étrangère. Jules Dassin himself, la joue fine en baragouinant quelques phrases d'italien pour noyer le poisson. Il joue surtout des yeux, entre candeur et comédie. Robert Manuel s'essaie lui aussi à pratiquer la langue de Dante. Poussif. J'ai vraiment du mal, je le connais trop. Sa voix française traînante me manque.
Pour les décors, l'agencement artistique, Dassin fait fort en s'adjoignant les services de Maître Trauner, Alexandre lui même, l'empereur du réalisme français d'avant-guerre. On a droit à quelques jolis plans de rues parisiennes. Ambiance.
Il me serait difficile d'omettre la charmante Magali Noël qui met le coeur du rital Dassin en émoi. Facile. D'autant plus que c'est elle qui entonne le désormais célèbre "Rififi", petite mélodie du night-club où les marloux préparent leurs mauvais coups ou viennent chercher leur dose de coke. Quelques apparitions, quelques petits rôles accompagnent la joyeuse troupe, comme Robert Hossein ou Claude Sylvain par exemple.

La première fois que je l'ai vu, j'avais trouvé étonnante la manière dont les femmes sont traitées. Que le monde a changé, tudieu! Ici les femmes se prennent des bouffes sans arrêt quand elles ne goûtent pas au ceinturon du mâle. L'espèce de pantomine et la chanson du rififi en font même l'apologie. Aujourd'hui totalement incorrect.

Au final, on se trouve avec un film très important dans l'histoire du noir français, merveilleusement construit, que d'aucuns n'hésiteront pas à qualifier de "classique". A voir et revoir sans retenue.
Alligator
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le 9 mars 2013

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Alligator

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