Lorsque le vétéran Richard Fleischer tourne "The Spikes Gang", retitré "Du sang dans la poussière" (pour une fois que le changement de titre est plus expressif !), l'heure n'est plus à l'idéalisation pour les auteurs de westerns. Le western spaghetti, mais aussi Arthur Penn, Sam Peckinpah et bien d'autres sont passés par là, le genre est en voie de raréfaction sinon de disparition, et il s'agit maintenant de montrer avec réalisme la violence et l'injustice qui pouvaient régner à cette époque, souvent encensée parce que fondatrice. Ce film est particulièrement poignant car il montre le sacrifice de l'amitié et de l'innocence: les trois héros sont des garçons sans malice, qui devront leur perte à leur bonté et à leur générosité (Todd est touché alors qu'il veut aider ses amis, Will est blessé en voulant venger Les), et plus précisément à un mentor pervers qu'ils ont pourtant sauvé, interprété par Lee Marvin, qui trouve là un de ses grands rôles; sympathique et bonhomme pendant la majeure partie du film, Spikes se révélera finalement une belle ordure, qui a perdu ses illusions il y a bien longtemps, et n'a dû sa survie qu'à sa totale absence de scrupules.
Quant au trio, le film se concentre plus particulièrement sur le personnage de Will, le leader, dépassé comme les autres par les événements, hanté par des rêves d'un impossible retour en arrière, portant en plus le poids du remords d'avoir entraîné ses amis dans cette histoire qui va de mal en pis, et qui vire pour de bon au drame avec la 2ème attaque de banque ratée.
Ici vous pouvez spoiler
Si le film est parfois tempéré par un humour léger, il brille en revanche par la quasi-absence de femmes (leurs apparitions se réduisent à quelques secondes, que ce soit la mère de Will, muette et soumise, la sœur de Tod, ou la fermière qui renvoie sèchement les trois apprentis pistoleros): pas de douceur ni de tendresse, nous sommes dans un monde de virilité brutale et impitoyable. Will d'ailleurs entame une métamorphose après la mort de Todd: désormais habile tireur, il est devenu capable de garder son sang-froid dans toutes les situations. La scène finale, où Will agonise, seul et loin de chez lui, sur le quai de la gare, rêvant une dernière fois d'un retour au bercail, du style "le fils prodigue", tandis que part le train qui aurait pu le ramener à la maison, est particulièrement émouvante, au point que l'on s'est senti obligé de la tempérer par un ultime flash-back montrant les trois amis au temps de l'innocence et des illusions.