Je continue gaillardement à vider mes fonds de tiroir, tous ces films achetés par hasard sur un nom et un prix bien trop bas pour faire le difficile...
Après le douloureux Lana Turner d'hier, autant vous dire tout de suite que cette fois, ça valait le coup de se laisser tenter...
Bon, pour commencer, comme d'hab, la jaquette ment comme un arracheur de dents, le film n'est pas en couleur et James cagney n'affronte à aucun moment un traître bridé avec un couteau dans la main... Il y a bien un combat final, très réussi d'ailleurs, où se mélangent judo et résidus de boxe, mais à la loyale (si tant est que ce mot puisse avoir un sens avec ces fourbes nippons, bien sûr). Quant à la photo noir et blanc, pas de regrets, elle a même eu l'oscar de la meilleure direction artistique dans sa catégorie en 1946 et ce n'est pas complètement volé.
Alors, l'histoire se passe en 1929, à Tokyo. James Cagney, rédacteur en chef à poigne d'un journal du coin se retrouve impliqué dans la ténébreuse histoire du mémorandum Tanaka, mystérieux plan à l'existence toute hypothétique expliquant dans le détail la conquête du monde par les sournoises faces de lune, en commençant par la Mandchourie et en finissant bien sûr par les Etats-Unis...
Etrange histoire que celle de ce fascinant document, sorte de protocole des sages de Sion en plus habile, probablement fruit de communistes Chinois en pleine tensions sino-japonaises, considéré par la propagande américaine comme le Mein Kampf japonais et que les détails stratégiques du début de la guerre du Pacifique tend à rendre tout particulièrement troublant...
Sorti un peu plus de trois mois avant Hiroshima, le film fait alors office de film de propagande voire d'auto-justification, mais ce serait dommage de n'y voir que cela.
Cagney est un Américain bien tranquille, s'adaptant à merveille à l'Orient et à ses mystères. Après un passage remarqué en Chine, il respecte les coutumes locales, maîtrise parfaitement certains arts martiaux, profite des plaisirs du bain, baragouine tout ce qu'il peut comme dialectes, s'installe dans un pavillon à la mode locale avec jardin japonais et tableau de l'empereur au-dessus du lit... Il baigne comme un poisson dans l'eau au sein de l'atmosphère internationale des magouilles journalistiques, diplomatiques et policières, et vu que l'ambiance est particulièrement bien rendue, avec décors parfaits et tout le métier de Frank Lloyd à la mise en scène, le film est très agréable à déguster.
Au milieu de tous ces japonais à l'oeil torve tout droit sortis du Lotus Bleu, Sylvia Sidney joue la métisse à moitié chinoise, sorte d'agent triple qui semble posséder sur sa personne toutes les armes nécessaires à la bonne conduite de sa mission. Si vous ajoutez à cet atout charme non négligeable le fameux combat final, quelques trouvailles étonnantes de réalisation et ce petit parfum d'aventure qui semble sorti des années trente, vous pourrez facilement passer outre la goujaterie de James, la propagande appuyée et la morale finale douteuse et profiter très agréablement du spectacle.