Regarde toi en face...

J'ai été agréablement surpris par ce petit film car ce n'était pas du tout ce à quoi je m'attendais. Le sujet du clone a maintes fois été traité mais ici il y a un peu plus d'originalité avec un sujet un peu plus profond qui va au-delà du simple sujet du double.

Sarah apprend très abruptement qu'elle est atteinte d'une maladie extrêmement rare dont l'issue est sans aucun doute fatale. Elle sait qu'elle va mourir mais les médecins ne savent pas lui dire quand, ce qui lui laisse certainement le temps de profiter du service de remplacement qui crée un clone de la personne qui va disparaître pour aider les proches à gérer cette perte. Elle décide de se lancer dans le processus mais cela va poser problème lorsque son médecin lui annonce quelques mois plus tard qu'elle est en complète rémission. Bonne nouvelle pour Sarah... moins bonne nouvelle pour son double qui n'a pas vraiment envie de disparaître et demande alors d'avoir recours au duel pour déterminer qui des deux restera.

L'intrigue paraît basique, mais sur ce simple postulat l'histoire nous amène à réfléchir sur l'identité d'une personne, ce qui fait qu'elle est unique et ce qui forge sa personnalité. L'histoire est très bien menée car elle nous permet de découvrir Sarah au fur et à mesure où elle se découvre elle-même. La perspective de disparaître renforce chez elle l'envie de vivre et lui fait prendre conscience qu'elle avait besoin de changement et l'oblige à prendre ce virage qu'elle n'aurait pas réussi à accepter sans cette situation. Le point de vue du double est intéressant aussi, même si trop peu exploité à mon sens, qui très rapidement prend son indépendance par rapport à son original et affirme sa propre identité. Elle n'est plus le double de Sarah mais une autre version de Sarah, et ça change tout. Je le vois aussi comme le lien d'un parent à un enfant, où le parent aura beau essayer de faire que son enfant ait les mêmes goûts, la même vision des choses, il finit toujours par y avoir des divergences car les circonstances et l'expérience forgent la personnalité tout autant que l'éducation.

La façon épurée de tourner et de filmer force le spectateur à s'attacher aux actions des personnages et à ce qu'ils expriment, pas de fioriture pour distraire du sujet principal. La direction d'acteur peut par contre paraître surprenante, en particulier concernant Karen Gillan surtout quand elle incarne Sarah. Elle a une diction très mécanique, on a du mal à ressentir l'émotion et bien que ce soit voulu, cela donne une impression bizarre. C'est peut-être aussi parce qu'elle doit gommer son accent pour faire plus « américaine » et on perd un peu de naturel, je n'arrive pas à mettre le doigt sur ce qui cloche (peut-être rien du coup...). Ceci étant, je trouve sa performance excellente, dans les deux personnages. On sent bien l'évolution et les changements qui s'opèrent pour chacune d'elles. Les autres rôles sont finalement très discret, l'intervention d'Aaron Paul passe très bien mais il n'a que peu de temps d'écran et même si son personnage permet de relancer un peu l'action il n'est pas beaucoup exploité.

Un point que j'ai vraiment apprécié est le côté parfois un peu absurde des situations ou des échanges. La logique de ce monde peut parfois paraître déconcertante et en complet décalage avec ce qu'on attendrait et ça permet de surprendre un peu le spectateur.

On est pour moi sur un vrai scénario de SF qui a du fond et qui est donc bien plus intéressant qu'un film bourré d'effets spéciaux et d'explosions auquel on a oublié de greffer un scénario. J'ai passé 1h35 plutôt agréable, la durée va bien avec le sujet et aborde l'essentiel. Je conseille pour les amateurs de films indépendants et intimistes, pour les mordus de blockbusters passez votre chemin, vous allez vous ennuyer !