Cher Luc Besson



Pardonnez-moi car j’ai péché. J’ai été véhément envers votre projet, discriminatoire contre votre nouveau poulain et bien trop radical contre votre vision, je l’imagine, bien trop en avance sur son temps du cinéma horrifique français. J’ai tapé de manière jouissive, sans me soucier des répercussions cérébrale que j’ai engendré face à cet amoncellement de casting sauvage et qui n’a de rigueur que son envie de mettre en avant une profonde réalité que j’ai indécemment nié. Tout le monde à droit à une erreur, et nul doute que, quand je repense à la Sainte vierge Marie Léa Seydoux, qui débuta son immense carrière avec Mes Copines, que votre progéniture, Thalia, ira bientôt jouer avec des grands comme David Cronenberg, Ildikó Enyedi ou surtout Arnaud Desplechin. Hélas, il en reste que j’ai péché. Non loin d’un sentiment d’irréversibilité je cherche à tout prix à trouver votre pardon, votre accalmie après ces irrémédiables voir inexcusables comportements. Mais grâce à votre grande et unidimensionnelle bonté, vous m’offrez un moyen de me racheter, de prendre du recul. Alors vous me proposer la bénédiction, avec la carte UGC illimité vous me l’offrez même. Et bien soit, je vous fais confiance, et, coïncidence, c’est dans la même salle que lors du grand chapitre cinématographique précédent (La maladie ô fion d’Arthurito), que je m’assois prêt à constater l’élan qui m’a amené ici, espérant au fond ne pas recevoir une virulente déception. Enfin après tout, qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?



  • Un Monde


En sortant de la salle, l’expérience fut telle que je me suis exclamé qu’il me faudrait expressément remettre mes idées en place. Coucher mes pensées par écrit me semble la meilleure solution et autant commencer par le plus simple et expliquer les fondamentaux sur ce Ducobu Président. L’intrigue s’émancipe du tracée de la bande dessinée pour offrir au spectateur une intrigue digne de ce nom. En effet, pour cela, il faut avoir suivi le début de ce nouvel arc initié par Eli Semoun puisqu’on apprend très vite que Ducobu et sa voisine de table Léonie sont en couple tel leurs parents qui jouent à la maman et la putain sans pour autant se rendre compte de la présence des deux galopins. Galopins dont on apprend très vite que le statut de « fiancé » est malheureusement quelque chose d’inaccessible à leur âge d’11 ans, car il ne faut pas oublier que ces pimprenelles vivent dans une boucle temporelle où leur âge est réactualisé au gré d’une puissance normative nommée il me semble « producteurs ». Or ces « producteurs » en pleine déréalisation nous extirpent par la même occasion du contexte des années pré 2000, a une époque où on utilisait encore un tableau à craie et où les profs frappaient les enfants et non l’inverse. Nonobstant ce changement d’époque subtilement montré par des mots finement placés tel que « COVID », « console de jeu portable » ou encore « zizanie », on constate aussi un réel changement dans les mentalités de mœurs. En effet, dès le début du métrage, on nous montre que le père Ducobu, alors heureux et personnage positif, enseigne à son fils qu’être fiancé avec une fille, ça leurs permet de faire le ménage, la cuisine tandis que nous, hommes, on participe un peu mais pas beaucoup. Ou encore le moment où Léonie et son ami Claire, qui dit toujours c’est clair, 11 ans au compteur comprennent qu’il faut « faire gaffe au gros pervers ». En bref on comprend malicieusement et à toute vitesse que c’est le choc des générations, entre deux générations au sein de cet établissement portant pourtant encore le nom du passé malgré que Ducobu, notre protagoniste apporte avec lui les idées et le téléphone du futur. Dans ce futur, il faut tout politiser, plus de place à la gaminerie. Nos héros ont bien grandi et les quelques idioties, tricheries qu’ils pouvaient faire sont remplacés par cette envie de grandir trop vite. Car, l’arrivée d’un français avec un ton allemand raciste, faisant ressortir les traumatismes de l’holocauste d’Eli Semoun, pousse ces enfants à perdre leur vie d’enfant, les forçant à faire ressortir un idéal de vie sur-décomplexé et sans apprentissage comme en est la panache des réseaux sociaux. Trainé dans la boue, Eli Semoun, tel son lui des années 40, fait la résistance pour la gloire de l’ancien temps, et, au vu du fort manichéisme du récit, du grand méchant nazi. Nos héros trouveront même en ce dénommé Gérard Jugnot, incarnant épatamment le dénommé Mr Kitrish, qui ; loin des mauvaises langues de vipère accusant de manière alambiqué un prétexte ou facilité d’écriture, se montre comme la meilleure alternative, réussissant même à garder son argent contre les méchants impôts, comme tout français le rêve. Ainsi Eli Semoun réinvente complétement la mythologie « l’élève Ducobu » pour dépasser la simple blague et traiter de propos d’actualité tout en gardant une énergie frivole a ses comédiens bien que sa formidable malice lui permet aussi de respecter le matériel originel ainsi que le lieu qu’il film, l’école, endroit de tous les paraitres où la débauche y est plus que propice. Car tel sur un tapis roulant, l’auteur du jour exprime avec grâce qu’il est important de rétropédaler, et qu’après tout, ça permet même de canaliser ceux qui diraient que ce récit est construit sur un non-sens, car après tout, on en reste au bon vieux statut quo.



  • La conquête


Ce système scolaire que film avec bravoure Eli Semoun s’éprend facilement avec son envie de grande fresque politique, cependant amortie par l’usage de la caricature. En effet il est bon de rappeler que Ducobu Président ! ne se prend pas au sérieux grâce à son humour potache. Il est même très facile de désamorcer toutes les potentielles critiques du métrage de cette manière. Car le potache à la Semoun se permet bien des choses et certaines plutôt inconcevables pour nos pauvres cœurs alimentés à la bienpensance. Au-delà de l’ouverture qui a malheureusement fait ouvrir les bouches de wokes féministes, on a droit à une caricature extrêmement audacieuse du nazi, grand méchant voir antagoniste du film, corrompant les personnages avec un accent à couper au couteau et une motivation absolument déroutante. C’est peut-être là qu’il faudra laisser les malheureux n’ayant pas encore vu ce métrage, mais on apprend par la suite que son obsession mécréante de vouloir une école correspondant au gout de l’élève et des nouvelles normes inculpées par la triste société est motivée par la triche enfantine, montrant qu’il n’a pas évolué. Il pousse donc ces jeunes progénitures à faire de même et soulève un point politique voir sociétale très actuel, comparable notamment à, désolé si j’écorche le nom, un certain Eric la Semoule et qui amène a toute la haine qu’il inculque a ces enfants. Car la politique de Ducobu est empreinte d’une violence crue et désinvolte à laquelle a même dut se conformer la petite Gratin contre le pervers. De plus, une des protagonistes dont j’ai oublié de parler est une nouvelle venue dans la saga, et là aussi une caricature de la fan désinvolte. Or, la popularité de l’élève qu’elle convoite plus que tout l’amène a des coups bas irrémédiables sur les autres élèves, tellement qu’ils se taisent et disparaissent du reste du récit ; preuve de l’horreur. Ce système politique est très approchable au putsch, n’ayons pas peur des mots, du président Macaron avec les violences de ses CRS. Mais la Rébellion préfère instaurer le dialogue pour ainsi permettre de faire avancer le problème, et, ce qui prouve le talent d’écriture du réalisateur, le scénario, d’autant plus car les deux ambitions de Latouche et le nazi sont plus ou moins similaires, mais l’expliquer nécessiterai une longue dissertation, malgré les probables commentaires parlant d’incohérence et insuffisance d’ écriture. Car, après 30 minutes de sketchs, et encore 30 minutes où on constate les conséquences de ce putsch presque militaire, que le film démarre finalement et aisément son élément perturbateur. Certes, il n’est pas de la plus fine et franche subtilité, mais suffit en elle-même pour contrecarrer les plans de l’antagoniste et faire se rendre compte au protagoniste son erreur. Sans pour autant avoir a changer ses plans de mise en scène, dont le sens du cadrage, d’ailleurs dans un format d’image (1.85:1) très rafraîchissant, n’a d’égal celui de Sean Baker, on comprend subtilement le changement s’opérer. Bien aidé par son admiratrice, ET SURTOUT par son charme appuyé par un effet audio à l’enchantement irrévocable, que l’amour, oui, celui avec un grand A va l’aider. Et c’est justement cet amour qui va sauver sa politique pour en revenir au statut quo. Ce que nous dit Eli Semoun et très important, car il pense, et semble même être certain que c’est l’amour qui permet de voir son programme ne pas tomber à l’eau. Emotion inattendue et tendresse impossible à cacher qui démontre encore une fois que la femme est un tremplin pour l’homme, en l’occurrence Ducobu ou même Eli Semoun avec sa fiancée, ne servant réellement dans le scénario que pour payer son addition. Ne me rejetez pas par conformisme, c’est bien la réalité des faits que décrit ce film de plus en plus formidable a mesure que j’y pense.



  • Parasite


Revenons sur le format d’image, rapidement éludé plus tôt. Le 1.85:1, format que beaucoup diront éludé, simpliste, mais ces normies ne valent pas la peine d’être écoutés. Au final, après 1 semaine de ruminations incessantes, on se rend bien compte que Ducobu Président est une œuvre étouffante, à la fois dans le partit pris du cadre, avec ces enfants courants et chahutant, ne jouant pas toujours juste, mais avec le cœur rappelle le film éludé plus tôt (Un Monde). Mais là où Eli Semoun est très fort, c’est qu’il arrive à disséminer dans son œuvre une sous-intrigue voir intrigue loin d’être biscornue, car dans la continuité de son travail, à savoir une critique des strates sociales. Car, si Ducobu devient Président, bien loin de l’amour, c’est par son statut, tout d’abord d’homme, qui lui offre un passe-droit et l’utilisation des femmes, mais, en gardant un œil attentif, tel un communiste, à uniformiser les élèves. Si c’était de rigueur légère, montré simplement par un regard sur son galaxy S8, sur la seule triche d’un film sur la triche, il finit par amener cela aux élections, à une grande ampleur. Mais cela l’amène aussi, ni plus ni moins à se distancer des élèves, bref, à se séparer de sa nature communiste. Dans un dernier élan, il décide, comme son professeur Latouche, de se remettre au rétropédalage, soit au communisme, en ramenant la discipline, les conditions inappropriées mais surtout, l’amusement collectif sur la seconde et unique séquence de triche, dont l’arrivée brusque et soudaine, après 1h24 d’attente, passe comme une récompense amplement méritée. Mais tel cette référence inouïe aux élephants de An elephant sitting still, Eli Semoun se complet de son génie en citant ouvertement parasite, enlevant cependant la dimension de twist, que je m’apprête à spoiler pour ces deux chef-d ’œuvres. Car, comme dans l’éminente palme d’or de Bong Joon-Ho, alors qu’on pensait être, mentalement surtout, avoir atteint en début de métrage, la strate sociale la plus basse possible, que l’on se rend compte qu’il y a encore un niveau en-dessous. Ce niveau, contrairement au film dont il est fait inspiration, est un endroit de résistance, qui montre en quoi le rétropédalage, le misérabilisme, sont à voir comme un acte d’opposition contre le méchant nazisme, dira-t-on avec les enjeux d’aujourd’hui, de négationnisme. Si le méchant parle allemand, c’est parce qu’en plus de vouloir distraire les enfants, il les détourne du chemin qui les amènera à savoir ce que les Boch ont fait. Ce discours très ambiguë montre d’autant plus et finalement toute la profondeur du film, alliant avec un brio, pour conclure, une adaptation référencée mais détachée plus proche du documentaire, une satire engagée et audacieuse du monde politique, traitée de manière caricaturale, et surtout un propos adulte, pour ceux n’ayant malheureusement pas succombé à l’humour tranchant et jamais vu d’Eli Semoun, qui réussira cependant à les intéresser dans un propos politique ahurissant de maitrise et d’ingéniosité sur les inégalités sociales. La preuve, ceux qui riaient le plus c’étaient les adultes.



  • The Sadness


On en entend beaucoup parler de cinéma français chiant, de salle au bord de l’effondrement, dont la disparition ne sera qu’un pas de plus vers le bonheur éternel. D’autres persistent en disant qu’une adaptation de bd, de comic, ce n’est là que pour amuser la galerie, qu’on ne peut pas en faire quelque chose d’adulte avec un propos fort qui nous rumine tout en secouant notre âme. Que ces ganaches de génération Z ferment leur irritable clapet, car contrairement aux trompeuses apparences, nous sommes bien en droit de voir, en ce film, un appel à la rébellion. En sortant de la salle, il m’était impossible de ne pas constater que j’étais choquer de voir, dans la rue, à quel point cette vision du monde est idéaliste. Eli Semoun nous lance un cri d’alarme pour que l’on puisse avoir droit à cette réalité, pour que le conformisme devienne source de vigueur et tout simplement de vie. Alors comme dans le film, unissons-nous pour l’amour du cinéma et montrons à nos enfants le chemin à suivre.


Hâte de voir l’adaptation de Les Blondes.

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le 25 juil. 2022

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Vacherin Prod

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