Déjà bien établi à la télévision, le jeune Steven Spielberg allait faire sensation avec Duel, produit pour la chaîne ABC en 1971. Le téléfilm connaîtra un tel succès que le cinéaste sera chargé de tourner une dizaine de minutes supplémentaires afin de le distribuer dans les salles américaines et européennes. D'où cette fameuse méprise consistant à le taxer de premier "long-métrage" de Spielberg, appellation qui revient finalement à Sugarland Express.
Scénarisé par Richard Matheson, d'après sa propre nouvelle, Duel est donc à prendre avant tout pour ce qu'il est réellement, un exercice de style télévisuel conçu pour exploser l'audimat. Ce qui n'est en rien péjoratif, le téléfilm se montrant encore aujourd'hui d'une efficacité diabolique, suspense savamment orchestré par un téléaste pas loin de devenir un des plus grands d'Hollywood.
Bien que trahissant plus d'une fois ses origines littéraires et télévisuelles, Duel fonctionne à plein régime, la mise en scène du futur papa de E.T. étant parfaitement pensée pour le format auquel le téléfilm appartient, tout en s'adaptant parfaitement au grand écran. Si les séquences ajoutées nuisent sensiblement au rythme, elles permettent d'approfondir les tourments du héros (parfait Dennis Weaver, de tous les plans), homme moderne limite castré et pétochard, qui devra s'imposer face à son énigmatique adversaire.
C'est d'ailleurs un des nombreux tours de force de Steven Spielberg, transformer un simple camion en pure entité diabolique, véritable monstre d'huile et de ferraille dont on ne verra jamais le visage du conducteur, et dont les motivations nous serons à jamais dissimulées. Tant mieux, le mystère ambiant apportant un plus certain à un script brillant par sa simplicité.