Passées les quelques premières minutes, ce film m’a laissée bouche-bée, jusqu’à la finale !
Duel repose sur peu de choses :
Le scénario ? Il tient sur une ligne ou plutôt le long d’une route, mais quelle intensité se dégage de ce film!
Les personnages ? Ils se résument essentiellement à deux : un homme : David Mann et un camion… Car du conducteur on ne verra rien, sinon une paire de bottes de cuir et une main qui fait signe. Et ce camion a une véritable personnalité : c’est une force massive brute, violente, imprévisible, implacable. Quand sa silhouette se découpe à contre jour au fond du tunnel, il est carrément flippant !
Duel s’ouvre sur un long trajet en voiture. L’ennui nous prend, comme visiblement, il prend le conducteur que nous suivons. Puis tout à coup un événement déclencheur arrive, absolument banal sur une route : un camion ! Que c’est pénible ! Ça n’avance pas ! Ça bouche la vue ! Que faire d’autre sinon le doubler ! Nous sommes toujours dans tout ce qu’il y a de plus banal. Mais il se passe alors quelque chose de moins habituel … Au début c’est plutôt drôle mais peu à peu cela devient inquiétant !
Le film est tourné de manière à nous faire ressentir ce que ressent David Mann. Caméra subjective et objective se succèdent permettant de ressentir les émotions du personnage principal : agacement, énervement, inquiétude, peur, panique, son sentiment de solitude, d’isolement d’impuissance et d’incompréhension. Ce film est immersif ! J’avais le cœur qui battait à rompre ! C’est immersif au point de nous introduire dans la tête de David Mann dont on entend les discours mentaux.
Les cadrages sont particulièrement réussis, ils participent à nous immerger totalement dans l’action.
La musique elle-même est immersive, plus qu’une musique, il s’agit de sons qui traduisent et accompagnent les émotions.
Ce film a divers degrés de lectures.
On peut le regarder au premier degré et dans ce cas on se dit que le conducteur de camion est un psychopathe. C’est tout à fait plausible !
On peut le regarder aussi au second degré et là on peut lire diverses choses :
j’en propose une parmi bien d’autres possibles. Nous ne savons à peu près rien de David Mann mais nous percevons que c’est un homme terne, triste, enfermé dans une vie monotone, écrasé par sa femme et peu sûr de lui. Il est du genre à devoir prendre son courage à deux mains pour se défendre. Ce camion peut représenter toutes les peurs qui gisent dans le psychisme humain : peur d’un danger qui nous menace, devant lequel nous sommes impuissants, que nous ne pouvons contrôler, qui peut surgir de partout et donc finalement c’est la peur de la mort ! D’ailleurs David Mann répète à plusieurs reprises qu’un camion en a après sa vie. Cette route, c’est une sorte de parcours initiatique. David Mann remporte la victoire mais à quel prix ! Il esquisse alors quelques pas de danse qui ressemblent à l’expression d’une joie revancharde. Puis il hésite à y croire et enfin il semble plonger dans ses pensées. Le film se termine dans un silence absolu sur un coucher de soleil. On peut espérer que lorsque le soleil se lèvera de nouveau, c’est un nouvel homme qui commencera sa journée ! Un homme qui a traversé ses peurs.
Ce film, premier long métrage de Spielberg est impressionnant de maîtrise pour un réalisateur encore tout jeune, il n’a que 25 ans ! Il se révèle être déjà un génie du cinéma.
Un film angoissant, plus que n’importe quel film d’horreur car l’histoire se situe dans la banalité d’un trajet en voiture et donc vient nous rejoindre dans notre expérience commune. Une expérience à ne pas manquer !