Après s'être fait la main sur un long métrage maison au budget faramineux de cinq cent dollars nommé "Firelight" et qui préfigure certaines de ses oeuvres futures, ainsi que de nombreux épisodes télé (dont un des premiers épisodes de Columbo), c'est un très jeune Steven Spielberg qui s'attaque à un téléfilm que beaucoup considéreront par la suite comme son veritable premier long-métrage: Duel.
L'histoire est scénarisée par l'immense Richard Matheson, qu'on connait pour son travail d'écrivain avec des romans comme comme"Je suis une légende", "L'Homme qui rétrécit", un nombre pléthorique de nouvelles ou encore pour son travail de scénariste entre autre sur de nombreuses émissions télé dont la très prestigieuse "La Quatrième dimension".
Matheson adapte comme souvent sa propre nouvelle, et Steven Spielberg aura pour mission de la mettre en image.
Le jeune Spielberg, désireux de faire ses preuves, ne manque pas d'ambition: il insiste pour tourner en décor naturel et avec de vrais véhicules par souci d'authenticité, plutôt que de filmer la majorité des scènes en studio comme c'était prévu à la base. Le producteur de l'époque lui dit que ça va être trop compliqué, mais le jeune Steven insiste, et fini par obtenir gain de cause à la condition expresse que le tournage soit bouclé en dix jours.
Spielberg le terminera en treize! Mais dès les premières images, le producteur est si impressionné par le résultat qu'il laissera le jeune homme aller au bout de ses idées.
Il faut donc treize jours seulement à Spielberg pour mettre en scène cette course poursuite mortelle d'un homme confronté à un predateur monstrueux, thème qu'on retrouvera plus tard dans Jaws. C'est un tour de force que le jeune Spielberg réalise en parvenant à terminer un long métrage en si peu de temps dans des conditions non maîtrisée comme il en va toujours pour des tournages en décors naturels, surtout au vu des qualités du film!
Duel est un film qui sait aussi bien installer le suspens et faire monter la tension lentement qu'il met en scène des séquences d'action débridées.
Le début prend son temps et amène le spectateur lentement mais sûrement à partager l'angoisse, voire la paranoïa du protagoniste David Mann.
Dans les premières scènes, les échanges entre Mann et le conducteur mysterieux du camion ressemble presque à un simple jeu sans conséquence avant de prendre des allures mortelles.
Le point culminant de cette paranoïa du protagoniste aura lieu dans le petit bar-restaurant, lorsque Mann scrutera les bottes de toute la salle pour essayer de deviner lequel des clients est son harceleur.
La suite verra la situation se dégrader en un duel à mort entre le pauvre David Mann et la monstruosité mécanique qui le poursuit.
Le fait de ne jamais montrer le conducteur ajoute une qualité fantastique au métrage.
La qualité des prises de vue, du cadrage et de la réalisation, à la foi fluide et dynamique saute aux yeux en premier lieu. La structure du récit aussi implacable que le poursuivant de Mann n'est pas en reste.
Toutes ces qualités amènent à un climax d'anthologie qui trouvera le spectateur aussi extatique que Mann lorsqu'il parvient à surmonter une épreuve qui paraît impossible et à se debarasser de son poursuivant.
Les producteurs conscients des qualités bien superieures du travail du jeune Spielberg par rapport à ce qu'on peut trouver dans la majorité des téléfilms décideront de sortir Duel sur grand écran en Europe.
Duel est un jeu mortel du chat et de la souris, plein de tension, de vitesse, bourré jusqu'à ras-bord de plans bien construits et dynamiques, et qui se paye le luxe de raconter en un sous-texte très actuel au fond la lutte de l'homme (le nom mann n'étant pas anodin) face à une technologie qui le dépasse et cherche désormais à le détruire: la créature se retourne ici contre son créateur de manière symbolique, mais toute la thématique de l'automobile comme force destructrice du monde des hommes est plus d'actualité que jamais
Duel démontre durant une heure trente les qualités de réalisateur de Spielberg, et se paye le luxe d'être, aujoud'hui encore le reflet symbolique d'angoisses civilationelles toujours renforcées à mesure que le temps passe.