En 1971, Steven Spielberg faisait une entrée fracassante dans le monde du cinéma avec ce film tourné à l'origine pour la télé américaine, mais que les dirigeants de Universal décident de distribuer en salles tant il est réussi. Pari gagné, il obtient le Grand Prix au premier festival du film fantastique d'Avoriaz. L'histoire est signée Richard Matheson qui adapte une de ses nouvelles. Duel débute comme une banale tranche de vie quotidienne avant de se transformer en un véritable cauchemar pour David Mann, ce paisible vrp traqué dans sa Plymouth rouge par un énorme camion plus tout jeune et à l'aspect crade, crachant sa fumée noire.
C'est une aventure fantastique qui pourrait arriver à n'importe qui, et l'astuce de Spielberg est de parvenir à créer une angoisse de plus en plus oppressante, et sans avoir recours à des procédés sophistiqués, juste de simples effets empruntés à la vie de tous les jours. Il accentue l'aspect menaçant du monstre de métal en amplifiant la bande son du moteur diesel, et surtout en enchaînant les gros plans saisissants de caméras embarquées sur les flancs du camion, sur la calandre agressive, sur le toit de la cabine, au ras du bitume et sur les pneus... tout ceci provoque une terreur insolite par sa situation, car rien n'est expliqué ni à David Mann ni au spectateur, le doute, la peur s'installent inexorablement, nous ne saurons jamais pourquoi ce conducteur de camion en veut à l'automobiliste, et Spielberg prend soin de ne jamais montrer son visage, juste un bras, une main, une paire de bottes. L'angoisse est donc distillée au compte-gouttes, c'est un suspense poussé au maximum, à l'atmosphère sèche, avec très peu de dialogue et un montage ultra serré, tout ceci fait illusion...
Avec un talent diabolique, Spielberg alors tout jeune cinéaste de 24 ans, fait surgir la terreur au sein de la plus banale des réalités quotidiennes en livrant une poursuite inouïe qui stupéfie par sa maîtrise technique, son sens de l'espace et du suspense haletant. Du grand cinéma, à l'efficacité redoutable, obtenue avec un budget très limité, qui plaçait déjà la barre très haut. La marque d'un vrai génie.