Quand j’ai découvert l’existence de ce film, celui-ci est tout de suite devenu à mes yeux une curiosité. Que peut donner un film dont l’affiche se partage entre l’une des « gueules » du cinéma américain de l’époque, Lee Marvin, et l’un des plus grands acteurs du cinéma japonais, aux multiples collaborations avec le maître Akira Kurosawa, Toshiro Mifune ? Une affiche d’autant plus attrayante qu’elle propose une confrontation entre les deux hommes sur une île déserte, dans un duel autant physique que psychologique, plein d’ambivalence et de questionnements.
Sur la forme, Duel dans le Pacifique est un survival très intéressant opposant deux stars des cinémas américain et japonais dans un décor hostile et en pleine guerre du Pacifique. Sur ce point, nul doute que le duo d’acteurs et le réalisateur font le travail. La patte de Boorman ressort bien à travers le rapport entre les hommes et la nature, et la tension permanente qui saisit le spectateur. Le duel penche successivement de chaque côté et évite toute prise de parti. Mais cette simplicité apparente du récit et de sa structure cache un message fort et dénonciateur des absurdités de la guerre.
Incapables de se comprendre, séparés par des barrières linguistiques et culturelles invisibles mais pourtant bien présentes et quasiment infranchissables, les deux hommes sont d’emblée en conflit à cause de la guerre dans laquelle ils ont été embarqués. Cependant, la ténacité dont font preuve chaque protagoniste au fil de l’intrigue fait naître un respect mutuel qui se mue quasiment en amitié, donnant lieu à une trêve entre les deux hommes, lueur d’espoir dans cet enfer dont on ignore encore l’issue.
Mais comme toute trêve, celle-ci finit par prendre fin, avortée sur une nouvelle querelle entre les deux hommes, et définitivement balayée par un bombardement subit qui emporte les deux combattants dans la tombe, dans un final des plus surprenants et brutaux qu’il m’ait été donné de voir dans un film.
Si Duel dans le Pacifique ne révolutionne peut-être pas le genre, son message n’en est pas moins clair et efficacement traité. Critique explicite, quasi-satire de la guerre, le film mise sur l’endoctrinement des soldats, nourris d’une haine mutuelle issue des hautes instances, les guidant aveuglément dans la volonté et la nécessité d’éliminer des ennemis définis qu’ils ne sont même pas capables de comprendre eux-même. Sorti à la fin des années 1960, Duel dans le Pacifique fait écho au mouvement hippie « Peace and Love », inscrit dans un contexte où le cinéma se met au service de la dénonciation des horreurs de la guerre, et promeut le respect et la tolérance d’autrui (des messages très présents dans d’excellents films tels qu’Easy Rider ou Vol au-dessus d’un nid de coucou). Loin d’être optimiste, le film fait réagir et réfléchir, mettant brillamment en lumière les absurdités de la guerre, pour mener à une fin que l’ont serait nous-même tentés de qualifier comme étant absurde, mais surtout choquante et marquante.