Ceci est l'histoire d'un face-à-face meurtrier opposant deux hommes aussi puissants que dignes.
Cet affrontement, il est organisé tous les 10 ans entre la Chine et le Japon, départageant lequel de ces pays sera pour les 10 prochaines années à venir au pinacle du monde des arts martiaux.
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C'est cette lutte sans merci que Ching Siu-Tung va entreprendre de mettre en scène : Epée Sacrée, pacifiste dans l'âme ayant grandi chez les moines shaolin, ne veut se battre que pour faire honneur à ceux qui l'ont élevé. Hashimoto, lui, est aussi un individu bon et loyal, et ne veut participer au duel que pour obéir au bushido, en honneur de son défunt maître, et non pas de son Daimyo. Cette lutte pour la gloire est vaine, et nos héros ne sont pas dupes :
"Ils savaient tous que le vrai vainqueur, en fait, c'était la mort."
Extrait d'une discussion entre les deux sabreurs, dans le cimetière des guerriers vaincus lors des duels précédents.
En plus de deux mondes, ce sont aussi deux genres qui se rencontrent : dix ans avant Ninja Scroll, Duel to the Death mélangeait déjà le Wu Xia Pian hongkongais au Chambara nippon : aux moines shaolin et épéistes de l'Empire du Milieu bien connus de l'afficionado du genre, s'ajouteront les ninjas et les katanas qui s'aiguisent.
Car oui, le Japon, nation ambitieuse, est bien déterminé à tirer profit de ce combat en magouillant avec certains chinois désireux de recouvrir leur gloire passée, quitte à le truquer.
Duel to the Death est court (à peine plus d'1h20, tout de même), mais généreux, fichtrement généreux, même. A commencer par les combats, Siu-Tung s'est hautement investi dans son film et ça se sent : la caméra survitaminée n'arrête jamais son galop, le montage découpé est incroyablement nerveux, les plans d'épées s'entrechoquant ne durent que tout au plus quelques secondes, les angles de prise de vue se multiplient pour décupler la passion guerrière des bastons endiablées riches en pirouettes et effets spéciaux : Ah, cette abondance de ninjas disparaissant dans un nuage de fumée, et vous, sabreurs sautant sur l'eau, sans oublier bien entendu ces gaillards volant et bondissant dans les forêts par la panpuissance du tremplin et du harnais, et ce ninja géant...qui se sépare tout à coup en une multitude de ninjas ! Virtuose, mes chers lecteurs, à la pointe du cinéma d'arts martiaux, surtout quand on sait que ce film date de l'an de grâce 1983.
Scènes d'autant plus appréciables quand on voit la diversité des décors (où les personnages sont très bien inclus grâce à un cadrage efficace), oscillant entre une plage par nuit noire, ou une forêt classique, ou encore l'intérieur d'un manoir.
Il convient aussi de traiter des sieurs Norman Chui et Damian Lau, acteurs principaux aux splendides et soyeux cheveux longs (les hommes aux cheveux longs sont parmi les êtres les plus classes en ce bas monde, tenez-le vous pour dit) sachant au mieux mettre en exergue la tragédie qu'ils portent...il se dégage de leurs visages ces choses que l'on nomme communément la douleur, la détermination, la colère, et finalement, la tristesse.
Bien sûr, aux scènes de combat s'ajoutent les excellentes musiques de Michael Lai, qui mélangent zizique chinoise traditionnelle, tambour et synthé au doux parfum désuet des années 80. Je retiens notamment le thème principal, épique par ses synthés, mélancolique par son chant, réussissant l'exploit d'immortaliser à merveille l'acmé du film, qui n'est autre que le face-à-face final (et quel face-à-face, toi qui lis ces lignes, puisque c'est l'un des meilleurs que j'ai pu voir), où les vagues se déchaînent sur les rochers tandis que l'acier entonne son chant de mort.
L'un des tout meilleurs des meilleurs des meilleurs parmi la crème des films hongkongais que j'ai pu voir à ce jour, qui est d'ailleurs disponible en VOST sur Youtube.
Ce Ching Siu-Tung mérite vraiment davantage de notoriété, surtout quand on voit la qualité de ses collaborations avec Tsui Hark, comme l'Auberge du Dragon ou Histoires de Fantômes Chinois.
Je conseille également cette interview de l'acteur Tsui Siu-Keung sur le film.
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