Je commence à me faire vieux, je me suis fait offrir le film pour les récentes fêtes et le constat est terrible. 20 ans. 20 ans et 20 kilos que je n'ai pas vu Dune, un film, aujourd'hui quasiment décrié, tant par rapport aux prouesses réalisées par David Lynch depuis, qu'à l'évolution du cinéma, de son support, de notre manière d'aborder l'image devenu un simple amas de pixel, certains représentant la réalité d'autres le "rêve".
En ce qui me concerne pendant ces 20 ans, mon évolution est d'avoir vu les films précédents du metteur en scène et d'avoir arrêté de fumer (d'où les 20 kilos). Force est de constater que Dune s'inscrit dans la continuité des expérimentations du premier et de la noblesse du second.
Plier l'espace et le temps
Comment parler de ce film sans raconter ma première fois? Telle l'épice chez la guilde, chaque évocation de ce film me ramène à ma première séance de cinéma en solo, pas de parent, pas de nounou, ni l'âge requis d'ailleurs. Faut dire que du haut de mes 8 ans tous frais, j'ai profité d'une liberté qui ne doit plus exister maintenant, à conjuguer avec une cellule parentale désertique qui allait m'obliger à changer de planète quelques temps plus tard, j'ai le souvenir extrêmement précis de la jouissance de me poster au premier rang du cinéma, chose pour laquelle j'avais toujours insisté sans obtenir satisfaction et une habitude encore tenace vu que je n'ai reculé que d'une paire de mètres depuis. Y a pas trop de question à se poser du pourquoi ou comment, j'avais pas pu voir E.T. et tout le monde à l'école s'échangeait des panninis du Retour du Jedi, j'ai du piquer 50 balles à ma mère pour aller voir un film dans l'espace et la caissière m'a laissé entrer.
Bref, j'ai peu de souvenir du constat artistique à l'époque mais l’esthétique de la première scène avec l'émissaire de la guilde, de la navette qui visite Arakis, de la planète Harkonnen, des vers, des fremens est encrée (sans faute) au plus profond, Kyle McLachlan est ma première superstar même si j'ai eu du mal à suivre sa carrière en dent de scie et plus importante que la figure paternelle sis dans la lucasserie précédemment citée, Dame Jessica a toujours suscité un trouble émotionnel mêlé à la chaleur rassurante d'une mère qui ne laisse pas son jeune fils trainer les cinoches seul.
Arakis planête des sables, Dune film mal aimé
Il y a bien longtemps, loin, très loin, sur un canal encore hertzien, Mathieu (un seul T) Kassovitz, qui est un peu plus vieux que moi, me remit en mémoire, lors d'une interview, que dans cette période bénie du cinéma, on quantifiait, dans les cours de récréation, les nouveaux effets spéciaux aux nombres de vaisseaux présents en même temps sur l'écran. De ce fait, je veux bien croire que l'erreur commerciale de la production a été de laisser David Lynch nous imager un voyage intersidéral comme un remake plus épicé de la séquence de reproduction d'Eraser Head par l'intermédiaire du membre de la guilde spatiale qui déambule tel un petit spermatozoïde de l'urètre à l'utérus.
Bien sûr, il y a ces boucliers horribles qui nous transportent dans une dimension dans laquelle ILM n'existe pas, pourtant cela reste cohérent avec les séquences de guerre filmées comme les films d'aventures des décennies précédentes à grand renforts de figurants courant dans un sens, puis dans l'autre. Reste les séquences avec les vers, ces derniers se dévoilant peu à peu jusqu'à l'orgie finale dans lesquelles ils apparaitront béant dans des surimpressions flagrantes mais de toute beauté qui leur confèreront un coté mystique.
Fort de café
Je comprends que l'on ne puisse pas tous être emballé autant que moi, mais au delà de l'effet kitsch suscité, on a affaire aux apparitions convaincantes de Brad Dourif, Patrick Stewart, Jurgen Prochnow, Max Von Sydow, Dean stockwell et Everett McGill pour les plus connus de ma génération, Sean Young et Sting pour les jeunes adultes du début des 80's et quelques tronches confirmées dont José Ferrer, père de Miguel qui jouera dans Twin Peaks, mari de la chanteuse du band de Perez Prado, notamment la chanson Sway, Rosemary Clooney et donc oncle du beau Georges du même nom.
Si on essaye de souvenir de l'esthétique des cavernes d'eau avec la goutte qui tombe emprunté par la pub pour le café carte noire dans les 90's, le chemin est rapide pour aller jusqu'au "What Else" qui ruine tous ses concurrents, maintenant que la cafetière est en route, je peux aisément élaborer une conclusion du genre. Le dormeur doit se réveiller