Dune est avant tout une série de livres de science-fiction écrits par Frank Herbert et continuée, après sa mort, par son fils, Brian. Pour les amateurs de science-fiction, la saga de Dune, commencée en 1965, est une œuvre inontournable, foisonnante et d'une complexité rare qui fait appel à des connaissances étendues dans les domaines de la politique, de l'économie, de la philosophie, de la technique, de la science, etc. (la liste est trop longue pour être exhaustive).
En tirer un film était une gageure pour quelque metteur en scène que ce soit, surtout à une époque où les sagas cinématographiques n’étaient pas encore devenues monnaie courante. Un premier essai d’adaptation fut tenté dans les années 70, par le producteur et homme d’affaire français Michel Seydoux qui en avait confié la réalisation à l’écrivain Alejandro Jodorowsky. Parmi les collaborateurs à la réalisation on comptait des gens de grand talent comme le dessinateur Jean Giraud (aussi connu sous le nom de Moebius), H. R. Giger (qui devait ensuite concevoir les décors d’Alien), etc. La distribution aussi devait être prestigieuse puisqu’elle comptait des acteurs réputés comme David Carradine, Orson Welles, des musiciens comme Mick Jagger ou Amanda Lear, et même le peintre Salvador Dali qui devait tenir le rôle de l'empereur Shadam ! La musique devait être écrite par… les Pink Floyd !
Le coût du film, pharaonique pour l'époque (2,5 millions de dollars) et la personnalité fantasque de Jodorowsky, firent peur aux studios hollywoodiens qui se retirèrent du projet condamnant ainsi définitivement le film.
Une autre tentative d'adaptation fut faite, près de dix ans plus tard, avec Ridley Scott, qui travailla un an à l’adaptation avant d’y renoncer, suite au décès de son frère Franck. Il réalisa à la place Blade Runner.
La troisième tentative, en 1984, fut confiée à David Lynch, qui réalisa l’adaptation des deux premiers volumes de la série, du départ des Atréides de leur planète d’origine pour Dune, la planète des sables, jusqu’à l’assassinat du duc Leto et de la fuite de son jeune fils Paul et de sa mère dans le désert où ils trouvent refuge auprès des Fremen.
Synopsis
Dans une galaxie qui n'est pas la nôtre, à une époque indéterminée, la famille des Atréides est envoyée par l'empereur Shaddam IV pour prendre la place de l'immonde famille des Harkonnen, coupable de trop d'exactions, et diriger pour le compte de l'empire Dune, une planète désertifiée, qui produit « l'épice », une drogue indispensable pour voyager à travers l'hyperespace. Mais le cadeau est empoisonné et le duc Léto Atréides n'a pas plutôt posé le pied sur Dune qu'il est assassiné, son jeune fils Paul et sa femme, dame Jessica, devant s'enfuir dans le désert où ils trouvent refuge auprès des Fremen, les guerriers du désert, depuis tout temps opposés aux colonisateurs venus de l'empire.
Mon jugement sur ce film
En tant que fan de la saga de Franck Herbert, je ne peux, pas plus que la majorité des spectateurs qui ont vu ce film, que regretter qu’aucun metteur en scène n’ait jamais eu assez de moyens pour en entreprendre une réalisation suffisamment ambitieuse. Je suis conscient que s'attaquer à un tel monument de la littérature de science-fiction, sans doute le chef d’œuvre le plus accompli du genre, était un piège presqu'aussi insensé pour le réalisateur que la survie de Paul et de sa mère en butte aux chasseurs Harkonnen et aux vers des sables.
Même si le film de David Lynch nous laisse sur notre faim, on doit au moins lui reconnaître le mérite et le courage d’avoir tenté cette adaptation. A l'époque, Lynch avait déjà connu un certain succès avec Elephant man (1980), un film presqu'aussi "casse gueule" que Dune, mais beaucoup moins coûteux (Dune coûta en effet 40 Millions de $, alors qu'Elephant man n'en coûta que 5). L'engagement financier était donc considérable mais ce qui l'était davantage, c'était l'attente démesurée des fans de Dune, qui est l'un des livres, voire le livre de science fiction le plus lus au monde.
De plus, la complexité et le foisonnement du roman sont tels qu'il était impossible de condenser, ne serait-ce que les deux premiers volumes (l'œuvre complète d'Herbert, si l'on fait exception des "suites" ou plutôt de ses «préquelles », compte 7 volumes) en un seul film. Peut-être Lynch avait-il l'intention de réaliser un Dune II mais l'accueil du public devant ce film à la fois ambitieux et bancal et surtout très en avance sur son temps fut tel que, ni les producteurs, ni le réalisateur n'eurent à cœur de poursuivre l’aventure. Il faut dire qu'à l'époque, à part La guerre des étoiles de George Lucas (1977), on n'en était pas encore aux grandes sagas que l'on connut par la suite (Le seigneur des anneaux date de 1980; Harry Potter, de 2001; Twilight de 2008).
En tant que fan de Dune, je comprends les critiques qui ont pu être faites au film mais mon opinion est qu'elles sont largement injustifiées. A mes yeux, David Lynch n'a pas démérité et je trouve que la majorité des reproches qui lui ont été faits sont infondés. En tout cas, comme pour le Seigneur des anneaux ou Harry Potter, le film a au moins permis à ceux qui ne liront jamais la totalité de l'oeuvre d'avoir une approche, même incomplète et imparfaite, de l'univers de Dune.
Il y a de grands moments dans le Dune de David Lynch, des artistes extraordinaires (Kenneth McMillan restera un inoubliable et parfaitement ignoble baron Harkonnen, le chanteur Sting est absolument parfait celui de son sulfureux et impitoyable neveu, Feyd Rautha) mais ce sont surtout les décors et les costumes, plus que les effets spéciaux, encore un peu primaires (les vers géants de Lynch sont, il faut l'avouer, passablement ridicules), qui sont époustouflants. N'oublions pas aussi la superbe bande-son écrite par Brian Eno.