Ce second volet c’est l’apothéose d’une geste poétique entamée dans le premier volet. Tout est inexorablement centré sur le désert et ses milles variétés et sur son peuple, les fremen, l’occasion de saisir toute la richesse de cet univers.
Nous sommes ici quelque part entre Game of Thrones et L’Empire contre Attaque. Le film nous dévoile l’immense trame politique sous jacente derriere ce conflit entre les fremen et l’empire pour le contrôle de l’épice et de la planète Arrakis. Des barons se trahissent entre grandes maisons en réalité consanguines, castes sauvegardées, avec l’assentiment de l’empereur. Empereur qui s’avère en réalité faible tout en se croyant stratège.
C’est aussi un récit mystique fondé sur la croyance d’un élu venu libérer Arrakis et les fremen, aboutissant à une véritable guerre sainte et un djihâd - bien que le terme ait été banni du film. Seulement voilà, cette croyance est un récit inoculé par l’ordre bene gesserit, mystique et occulte, qui tient en réalité l’empire et son équilibre entre ses mains. Un récit qui va cependant dépasser ses instigateurs.
Ainsi, peu à peu, Paul Atreides, dernier survivant de sa lignée, va devenir cet élu en devenant un véritable fremen, sous l’égide de sa mère, devenue grande prêtresse de ce peuple, et membre des bene gesserit. Il a été en quelque sorte conçu et formé pour ça. Tout le film raconte son inexorable ascension vers ce but mais aussi ses doutes et son refus d’en être tout en étant fataliste puisqu’il ne peut y échapper. Il est esclave d’une prophétie autorealisatrice, quitte à devenir un odieux tyran fanatique.
L’œuvre renvoie dos à dos religion et politique, dénonçant leur cynisme et leur folie.
Mais elle est aussi un récit initiatique, celui d’un jeune homme amené malgré lui à être empereur d’un monde nouveau, apprenant la culture d’un peuple étranger jusqu’à en devenir le chef sans renoncer finalement à son rang et à sa naissance, ce qui amènera Chani, sa compagne à qui il doit beaucoup, à s’éloigner face a ses espoirs déçus.
On découvre au delà de la formidable culture fremen, arabo-musulmane, mais aussi berbère ou touareg, d’autres mondes, tout aussi passionnants, et terribles. L’impitoyable culture harkonnen, des nazis cannibales, ultra violents, consanguins, baignant dans un monde entièrement stérile, noir et blanc, est pourtant magnifiquement esthétique.
La fresque est épique, dense, sentimentale même. Avec la famille et l’amour au cœur du processus. J’ai frissonné deux heures durant avant que la fin, un peu trop accélérée, laisse un sentiment légèrement déceptif. Le basculement de Paul Atreides d’élu idéaliste à tyran vengeur est néanmoins parfaitement amené et dramatique : la dernière pièce d’une machination galactique.
La bataille finale, annoncée comme dantesque, avec des vers géants et des ogives atomiques est rapidement expédiée et l’immense armée de l’empereur, présentée comme l’élite de l’élite, les Sardokhar, est balayée vulgairement alors que le premier film en avait fait les adversaires ultimes.
Le film hormis ce final trop elliptique est majestueux dans sa mise en scène et dans l’ensemble. Une synthèse de la carrière et du talent de Denis Villeneuve. L’ouverture est baignée d’une lumière crépusculaire, une colorimetrie orange très singulière qui rend le combat qui s’y déroule magnifique, très réminisceng de Blade Runner 2049. Le monde des Harkonnen est sidérant de noirceur ; celui de l’empereur, paradis perdu. Le désert offre mille facettes : erg et regs, 50 nuances de désert, des citernes d’eau grandioses. Les rites fremen où l’eau des morts vient alimenter ces bassins sacrés sont aussi intéressants que poétiques. L’esthétique mêle ainsi ancien et futurisme, orient et occident steam punk et ascèse. Sans oublier les costumes remarquables, les vaisseaux originaux, type Premier Contact, les décors gigantesques : tout impressionne, jusqu’au frisson. Parfois un peu vite. Le film a tant à raconter.
La musique de Hans Zimmer atteint aussi des sommets, proche de celle de Blade Runner 2049 et de Gladiator, tantôt épique tantôt contemplative, à l’image du rythme et du montage du film qui oppose sans cesse les destins individuels et collectifs.
Les acteurs quant à eux tirent leur épingle du jeu : Zendaya propose une Shani de caractère. Rebecca Ferguson campe une mère prophétesse et mystique, mystérieuse aussi, avec sa fille douée de prescience alors qu’elle est encore enceinte, Javier Bardem est le seul personnage drôle dans ses excès religieux et Christopher Walken transpire la classe en empereur en manipulateur mais aussi vieillissant. Le film reprend une idée du Dune de David Lynch avec la princesse et fille de l’empereur qui commente et écrit des chroniques sur le conflit en cours, ce qui correspond au tout début du film de Lynch. Mais évidemment c’est Thimothée Chalamet qui occupe l'écran et montre son tout talent surtout dans la seconde partie du film avec un charisme rare. Voilà une génération d’acteurs très prometteuse.
Il résulte un long métrage d’une rare maîtrise, techniquement extrêmement abouti, à l’univers très riche, à l’action et aux péripéties énormes. Si certains points de scénario sont un peu édulcorés, ils sont compensés par une audace formelle. C’est le plaisir d’une nouvelle saga qui nous offre son lot de nouveautés. De personnages et de surprises, sur fond de fable politico-mystique. La libération d’un peuple du désert par un prophète en mode Lawrence d'Arabie.