L'introduction de la deuxième partie du Dune de Denis Villeneuve fait miroir à celle de la première : un personnage féminin destiné à prendre de l’importante dans la suite de l’histoire offre son point de vue sur les événements passés. De prime abord insignifiante, la valeur de cette redite se révèle au milieu du film, lorsque Chani répète les mots prononcés dans l’introduction du premier volet dans un dialogue avec son amoureux : « Arrakis is so beautiful when the sun is low. » La réalisation matérielle des visions du premier volet laisse ainsi entrevoir la plausibilité de leurs penchants tragiques dans une poésie douce-amère. La logique fataliste de l’œuvre, déjà présente dans le premier volet, prend d’autant plus de sens : Denis Villeneuve s’attache à mettre en scène le futur, entrevu par des visions, comme un destin vers lequel le film entreprend une marche effrénée, dont on dispose constamment de nouveaux indices distillés sous nos yeux. Le rythme du film renforce cette marche tragique, débutant dans un calme pré-tempétueux avant d’exploser en vol, puis de s’arrêter au meilleur des moments – c’est-à-dire au pire.
Mais de tous les choix de mise en scène destinés à retranscrire le fatalisme du propos, ce sont bien les changements opérés au personnage de Chani qui sortent du lot. Là où l’œuvre originale décrivait la conquête des esprits par le prophète Muad’Dib comme un procédé linéaire et presque universel, Denis Villeneuve fait le choix de suivre un groupe dissident dont Chani est la première représentante. Déchirée entre ses sentiments pour Paul et la crainte d’une appropriation colonialiste et despotique de la force de son peuple, elle fait figure de témoin tragique dont les conflits internes se retrouvent dans des jeux de regard habilement placés dans l’intrigue.
Le film conserve la grandiloquence du premier volet lorsqu’il s’agit de mettre en scène les vers des sables et autres vaisseaux spatiaux, en prenant toutefois davantage de risques esthétiques et en poussant la stylisation des visions à son paroxysme. Giedi Prime et son soleil noir, ses feux d’artifice blancs, le tout filmé en infrarouge, sont le parfait exemple des expériences visuelles réussies du film. Les idées visuelles sont légion et arrivent à renouveler l’imaginaire du premier film de manière presque inespérée. L’intrigue liée à la grossesse de Jessica donne vie aux plans les plus étranges des deux films, notamment lors de la première scène de l’Eau de Vie, particulièrement réussie.
Cette deuxième partie se permet également quelques traits d'humour - essentiellement dispersés dans le premier acte. Si leur simple présence fera probablement redouter la capitulation de Denis Villeneuve face aux standards hollywoodiens modernes, celle-ci n'en est pas gratuite pour autant : la mise en dérision du fanatisme religieux face aux événements orchestrés par le Bene Gesserit renforce l'impact de la spirale infernale vers le despotisme. Plus globalement, le film plaira probablement davantage au grand public que le premier opus, mettant de côté la contemplation pour renforcer encore l'expérience sensorielle et spirituelle.
Dune : Deuxième Partie réussit le pari du renouvèlement face à un premier volet déjà massif, en se montrant plus riche dans ses thématiques et plus audacieux dans sa mise en scène. Les regards se tournent vers le magnum opus de Franck Herbert, Le Messie de Dune, dont Denis Villeneuve prépare déjà le terrain avec son dernier film.