J'ai passé un agréable moment devant ce film, très distrayant, provoquant bien des pensées. Malheureusement, elles furent pour une bonne part des pensées de déception, de type "ce plan aurait pu être mieux fait" Alors je vais dire en préambule que j'ai bel et bien apprécié le film, notamment pour sa conception artistique, les costumes, etc. Bref je ne suis pas aigri.
Mais voilà: comme dit, (presque) tout du long du film je me suis trouvé à regretter certains choix, qui tiennent pour la plupart à l'écriture et au montage, et parfois au jeu d'acteur.
L'écriture étant le problème le plus évident pour moi. Sans vouloir jouer au puriste, je trouve qu'il y a une compromission généralisée d'avec le matériel de base (que j'ai lu), une compromission à la sauce hollywoodienne. Par exemple, l'emploi de l'humour, de l'ironie, notamment au travers du personnage de Stilgar, qui passe pour un bouffon un peu trop zélote. Je pense que le film aurait très bien pu s'en passer. Ce n'est pas le seul exemple: je trouve que Zendaya aussi a une attitude très classique-hollywoodienne. On ne sent pas la Fremen en elle. Elle ne m'a pas dérangée outre mesure mais c'est un occasion manquée.
Ensuite en terme de montage, on assiste encore une fois à quelque chose de très banal. Par contre, difficile d'expliquer ça ici, je me souviens surtout m'en être fait la réflexion pendant le visionnage.
Alors voici mon argument/point central: Je pense que Villeneuve passe à côté de l'opportunité de faire quelque chose de monumental. En effet, quand on voit l'aspect épuré des décors, quand on voit l'esthétique brutaliste, quand on voit les vaisseaux au design vraiment originaux, et quand on connait le matériel de base, le fait que tout cela se déroule dans un univers spécial, présentant des aspect très particuliers, où notamment les facultés humaines sont poussées à leur paroxysme (ce qui fait à mes yeux le sel du livre Dune), eh bien on se dit que cet aspect de compromission avec les habitudes hollywoodiennes gâche une opportunité évidente: c'était le moment de faire quelque chose de spécial, de faire quelque chose de monumental à tous les niveaux: faire des plans qui durent longtemps, avec une géométrie inhabituelle, d'insérer des dialogues obtus, mystiques, des images léchées...
Alors comme je l'ai dit, en terme de direction artistique, il y a du très bon, mais ma déception part justement du fait que cette direction artistique dans les décors ne s'étende pas à la matière cinématographique en soi. Comme si on avait viré une partie de l'équipe après la conception des décors, comme si on avait eu peur d'aller trop loin. Je dirais néanmoins, qu'ayant lu le livre, je n'ai eu aucun mal à situer l'action et que je n'ai vraiment pas prêté attention à ce que seraient en mesure de comprendre les spectateurs novices: j'aurais voulu qu'ils en disent moins mais je ne sais pas si ce qui est dit en l'état est déjà suffisant? C'est un angle mort de ma critique, j'en conviens.
Bref, il y a pour moi une inadéquation entre l'objet filmé et comment il est filmé, une incomplétude de la démarche.
En ce qui concerne le jeu d'acteur, je vois encore un problème symptomatique; je trouve évident que la démarche, aux moments d'empouvoirement (quel horrible mot) de Paul pose problème. On voit Chalamet marcher avec un empressement, une sorte de balancement, un aspect de force forcée qui annule l'emphase du moment. Quand il crie, je vois un acteur qui déploie la gorge, plutôt que quelqu'un de gagné par une frustration sincère, alors qu'il joue un personnage qui pourrait se reposer purement sur son intellect. Et le défaut suprême, c'est qu'une mise en scène autre aurait dit efficacement à la place des vociférations dommageables qu'il nous offre. À trop vouloir clarifier, la subtilité (pas difficilement atteignable) du jeu disparait.
Et c'est le point noir du film. À ne pas faire confiance à la force de la mise en scène, à ne pas profiter pleinement de l'originalité du récit de base, Dune partie 2 se foire à mi-chemin dans sa démarche artistique, présentant sous un aspect banal une substance qui ne l'est pas. Ce qui m'étonne un peu d'ailleurs puisque je garde de Blade Runner 2049 un souvenir d'originalité, de pureté sur ces aspects où Dune p.2 aurait pu en profiter. Alors à qui imputer la faute? À Villeneuve? À Hollywood? Au monteur? Peu importe sans doute.
En fait je pense qu'il aurait fallu donner ces décors, de force, à Pasolini, et de lui faire faire la mise en scène. Oubliez Jodo, le Dune que je regretterai toujours de n'avoir jamais pu voir, c'est le Dune de Pasolini, avec des silences de vingt minutes, des acteurs qui parlent comme le centaure de Médée, de la violence d'une simplicité crue... Dune de Pasolini, mon phantasme ultime.