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Avec Dune Deuxième partie, Denis Villeneuve nous en met plein les yeux, mais aussi plein les oreilles. Le film est splendide et le mixage audio est fou. J'ai vraiment pris une claque monumentale. Pendant presque trois heures, je me suis dit "Enfin un vrai film de science fiction qui allie grand spectacle et grande histoire". Dune 2 c'est du vrai cinéma, comme on en voit rarement.

Denis Villeneuve joue constamment dans les zones grises de l’âme humaine. Dans Incendies, dans Enemy, dans Prisoners, dans Sicario, on ne sait jamais qui a raison et qui a tort, qui est le héros et qui est la victime. Même chose dans Blade Runner 2049, qui sont les réplicants, sont-ils dangereux ? Dans Dune, le héros est-il vraiment un héros ou un oppresseur ? C’est ce que j’adore dans le cinéma de Denis Villeneuve, il nous pose des questions et nous laisse le choix d'y répondre ou non. On est loin des standards Hollywoodiens, où tout est blanc ou noir, avec le happy-end obligatoire. Quand on s’attend à ça, à un happy-end convenu, on peut avoir l’impression que tout ça, ça manque d’émotion.

Et pourtant, dans Dune 2 c'est tout le contraire, c'est du cinéma porté sur les émotions. Par exemple, un détail m'a particulièrement marqué dans ce film, c'est le travail des regards entre les personnages, beaucoup de gros plans, beaucoup de paroles qui sont passées uniquement à travers les regards des acteurs, alors que ceux-ci ne disaient rien. Et ça rend les personnages terriblement attachants et humains. Et j'ai trouvé Timothée Chalamet vraiment exceptionnel dans ce rôle, surtout lors de son discours ! Et puis Rebecca Ferguson, que j'avais trouvée un peu fade dans le premier Dune, là elle justifie complètement le choix de lui faire endosser le rôle de Dame Jessica, ici elle est exceptionnelle.

Dans Dune 2, les choix d'adaptation sont surprenants, mais pertinents. La densité thématique du roman est respectée, tout en étant certes épurée, mais au profit d'une expérience cinématographique comme on en voit peu. Le livre est de toute façon beaucoup trop riche pour que tout soit retranscrit, sans tomber dans une lourdeur sans nom. Denis Villeneuve a su s'approprier le livre en y apportant sa propre vision de l'œuvre de Franck Herbert, tout en respectant le matériel d'origine au point qu'il est difficile de lui reprocher grand chose. On peut toujours pinailler, mais je ne saurais bouder mon plaisir !

Mais en l'état, cette adaptation est de très grande qualité et rend ses lettres de noblesse au cinéma de science fiction, au même titre que Blade Runner 2049 m'avait flanqué une baffe comme rarement (même si l'original de Ridley Scott avec Rutger Hauer reste difficilement dépassable). Je vois les deux parties comme un seul film de plus de cinq heures, l'une ne va pas sans l'autre. C'est ambitieux, c'est soigné (à tous les niveaux), c'est respectueux de l'œuvre originale ... que demander de plus ? Si ce n'est peut-être un troisième film, adaptant le deuxième roman du cycle, à savoir Le Messie de Dune. Pour conclure l'arc de Paul et léguer une trilogie qui restera dans les mémoires pour un bon moment. Ce deuxième volet laisse la porte ouverte et les bruits de couloirs l'évoquent clairement. Je suis donc impatient de voir le troisième volet, tant que c'est toujours Denis Villeneuve aux commandes, bien sûr ! Il faut juste laisser Timothée Chalamet vieillir un peu, donc patienter sans doute quelques années ... mais le jeu en vaut vraiment la chandelle.

Ce que j'aime le plus dans cette adaptation de Dune, c'est le respect avec lequel Denis Villeneuve retranscrit l'aspect mystico politique du livre. Il y a des choses qu'il faut reconnaitre à Denis Villeneuve, c'est cette gestion du rythme et cette narration très fluide, malgré la complexité et la densité de l'univers de base qu'il tente d'adapter. Il y a un jeux d'équilibriste que je trouve vraiment maitrisé, entre contemplation et action, entre mystique qui laisse le spectateur à ses interprétations et en même temps ce réalisme froid et pragmatique sur la nature humaine. Il y a un jeux de miroir flou entre protagonistes et antagonistes qui est assez malin. D’ailleurs, le jeu de Timothée Chalamet vraiment intéressant dans le dernier tiers du film. Au début, je pensais qu'il n'arriverait pas à prendre cette épaisseur et cette ambiguïté suggérée par la trame narrative (avec ça petite bouille de teenager) ... et pourtant, qu'est-ce que j'ai eu tort de douter ? Il est juste phénoménal ! Ce Dune Deuxième partie répond très bien à la Première partie qui semblait un peu plus convenu et sur des rails dans son traitement de la figure messianique.

Dune est une vraie proposition de cinéma et certains passages sont incroyables, la scène d'ouverture avec les Harkonen, toutes les scènes sur la planète Harkonen et la scène de l’arène qui possède un coté Fury Road grisant, les plans du fœtus, les scènes avec l'empereur ou le Baron, les actes terroristes des Fremens, l'apprentissage de Paul avec Chani et leur histoire d'amour naissante, la scène du palais, les questions de manipulations politiques et des religions. Au final, Paul et sa mère sont des personnes passionnants et imprévisibles et on sent que Chani ne va pas rester les bras croisés ...

Le choix de Chani de quitter les Fremens et de suivre son propre chemin, est finalement logique. Lorsqu’ils s’embrassent pour la première fois, elle lui dit que tous les Fremens sont égaux et qu’ils ont toujours vécu comme ça, au contraire des Atréides sur Callagan qui ont une sorte de hiérarchie avec des rois, des ducs et des comtes. Et le fait qu’à la fin il se proclame duc d’Arrakis, qu’il devienne leur leader, leur prophète, qu’elle manifeste son désaccord, ça renforce le sentiment qu’il a franchi le point de non-retour. Ce n’est pas le fait qu’il marie la fille de l’empereur qui rend le climax "triste" mais plutôt ce qu’il est devenu, il a renoncé malgré lui à tout ce qu’il avait promis et aimait. La fatalité en somme.

En attendant, je me suis replongé dans le roman de Frank Herbert. Ce sera ma seconde lecture, la première datant de plus de 30 ans. Je me souviens parfaitement, aux premières années du collège, vers 11-12 ans, après avoir lu et dévoré la trilogie du Seigneur des Anneaux, avoir acheté le premier livre Dune 1 en 2 tomes. Je me souviens avoir abandonné la lecture à la fin du tome 2, sans arriver à saisir toute l'essence de son univers. Mais maintenant, plus de 30 ans plus tard, j'ai enfin saisi tout l'intérêt de son univers, qui me fascine aujourd'hui. Alors que le film de David Lynch m'avait détourné de Dune, ceux de Denis Villeneuve m'y ramènent. Je vais les relire tranquillement, me poser et me nourrir de cette lecture. Et je compte bien retourner voir ce deuxième volet une seconde fois pour profiter du grand écran tant qu'il est encore temps.

Pour en finir avec Dune, je dirais que techniquement, la machine sert le propos, l'émotion, le sens de l'histoire. Alors que souvent, des histoires écrites avec les pieds ou par des grilles d'écriture politiquement, économiquement et socialement correctes, servent les machines et ceux qui les possèdent. Et ça, c'est très fort de la part de Denis Villeneuve, car il utilise la technologie et les effets spéciaux pour créer un univers qu'on s'attend à retrouver en sortant de la salle ! Et ça, je ne le dirais jamais assez, mais c'est prodigieux !

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le 23 mars 2024

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lessthantod

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