L’ambition visuelle ne suffit pas à faire un grand film. Denis Villeneuve, réalisateur au talent incontestable, s’est attaqué à un défi monumental en adaptant Dune, l’œuvre culte de Frank Herbert. Après un premier opus salué pour sa précision visuelle et sa narration contemplative, ce deuxième volet se voulait plus épique, plus rythmé, et radicalement différent dans son approche. Pourtant, si le film impressionne par sa virtuosité technique, son ampleur visuelle et son ambition narrative, il souffre aussi de nombreux déséquilibres qui ternissent son impact.
Sur le plan visuel, Villeneuve démontre une nouvelle fois son immense maîtrise. L’immensité du désert aride, les infinis paysages de sable et les décors monumentaux immergent pleinement le spectateur dans cet univers. Chaque détail du production design – des costumes à l’architecture – témoigne d’une reconstitution minutieuse et immersive. Le travail sonore, lui aussi, renforce l’ampleur épique du récit, tout en restant fidèle à l’atmosphère mystique de l’œuvre d’Herbert.
Cependant, cette virtuosité visuelle peine à masquer un problème fondamental : le film va trop vite. Les événements s’enchaînent à un rythme effréné, au détriment de la profondeur et de la logique narrative. La scène finale, où Paul utilise des armes atomiques pour bombarder ses ennemis, illustre parfaitement ce défaut. Comment a-t-il transporté ces armes ? Pourquoi une telle résolution expéditive ? Cette précipitation prive le spectateur de moments de tension ou de clarté, et les enjeux dramatiques en pâtissent. Le récit, à la fois trop long et trop rushé, perd de son sens et de son souffle.
Le cœur du problème réside également dans le personnage central de Paul Atréides, incarné par Timothée Chalamet. Si l’acteur brillait par sa fragilité et son évolution dans le premier opus, il peine ici à convaincre dans son rôle de figure christique. Paul, censé incarner un Messie charismatique et redoutable, apparaît souvent comme un guerrier arrogant, au physique frêle et au visage juvénile, inapte à porter un tel destin. Il manque cruellement de l’aura et de la présence imposante nécessaires pour incarner la destinée messianique du peuple Fremen. Sa transformation en sauveur vengeur semble à la fois forcée et incohérente, notamment dans son rejet abrupt de Chani, son amour et lien émotionnel avec le peuple du désert. Ce manque de gravité affaiblit non seulement le personnage, mais également l’impact émotionnel et symbolique que le récit cherche à construire autour de lui.
Malgré des séquences visuellement spectaculaires – comme le rite initiatique de Paul ou l’impressionnante attaque des vers – les scènes d’action manquent souvent de contexte et s’intègrent maladroitement dans la narration. Leur exécution, bien que techniquement irréprochable, emprunte à des codes classiques des blockbusters, avec des plans larges saturés de CGI et une esthétique parfois générique. Ces séquences, bien qu’essentielles pour rythmer l’histoire, ne parviennent pas à équilibrer la lenteur contemplative des scènes d’exposition, laissant une impression d’enchevêtrement confus.
L’autre grande faiblesse du film réside dans le traitement des personnages secondaires. Des figures clés comme la Princesse Irulan (Florence Pugh) ou l’Empereur (Christopher Walken) sont reléguées au second plan, tandis que des antagonistes charismatiques comme Feyd-Rautha ou Margot Fenring ne sont qu’effleurés. Leur potentiel dramatique reste inexploité, probablement en vue d’une troisième partie, mais cela prive ce deuxième opus d’une véritable densité narrative.
En fin de compte, Dune - Deuxième partie reste un spectacle grandiose et une prouesse technique indéniable. Denis Villeneuve continue d’élever la science-fiction à un niveau rare de sophistication et d’élégance visuelle. Pourtant, le film souffre d’un déséquilibre marqué : une narration précipitée, des personnages sous-exploités, et un protagoniste central dont le charisme ne parvient pas à incarner pleinement le rôle christique qui lui est attribué. Si l’ambition est indéniable, l’exécution manque parfois de profondeur et de cohérence, laissant le spectateur face à une œuvre fascinante, mais inaboutie.