Eggers ranime Nosferatu avec amour. Visuellement fascinant mais trop sage, son film oscille entre hommage appliqué et relecture timorée, peinant à faire vibrer la légende. Coincé entre ambition et académisme, il caresse le mythe sans jamais lui redonner sa pleine puissance, comme un vampire trop poli qui mord sans vraiment saigner.
Le début du film souffre d’un rythme poussif, aggravé par la prestation fade de Nicolas Hoult, qui manque cruellement de charisme. Il faut attendre l’apparition du comte Orlok pour que le film prenne enfin son envol. Heureusement, la direction artistique soignée et l’atmosphère gothique finissent par happer le spectateur, même si l’ensemble évoque parfois une version allégée de Penny Dreadful.
Lily-Rose Depp, magnétique, incarne une Ellen fascinante, rappelant Eva Green, mais dans une version légèrement moins torturée. Elle apporte une intensité dramatique indéniable, notamment dans la dernière partie du film, où son corps et son désir deviennent le véritable enjeu narratif. Ici, l’originalité est l’enjeu charnel poussé à son paroxysme jusque dans la scène finale, une proposition intéressante et qui a le mérite d’être jusqu’au-boutiste.
Mais la véritable réussite du film réside dans Nosferatu lui-même. La créature, terrifiante et grotesque, bénéficie d’un soin minutieux, tant dans sa conception visuelle que sonore. Son travail vocal, glaçant et viscéral, mérite impérativement d’être apprécié en VO. Son charisme hypnotique, mêlé à une aura de terreur pure, en fait une présence inoubliable. Chaque apparition insuffle un malaise oppressant, une peur viscérale qui s’ancre dans l’inconscient du spectateur. Nosferatu n’est pas seulement terrifiant : il est une incarnation cauchemardesque de l'effroie.
Je note également que l’univers est moins empreint d’esthétisme, moins pictural que ce à quoi Eggers nous avait habitués. Reprendre cette culture du tableau, notamment comme dans The Witch, aurait pu être incroyable avec un Nosferatu aussi bien travaillé. Ici, les plans sont soignés, mais ils manquent de cette dimension picturale qui aurait pu transcender l’ensemble et accentuer encore davantage l’aura cauchemardesque du film.
Si le film souffre de quelques longueurs et d’un académisme parfois pesant, il parvient néanmoins à imposer une atmosphère hypnotique et un sens du détail remarquable. Grâce à une direction artistique soignée, une Lily-Rose Depp envoûtante et un Nosferatu glaçant, Eggers offre une relecture soignée du mythe, qui, sans égaler ses illustres prédécesseurs, s’impose comme une proposition gothique intrigante et visuellement mémorable.