Alors qu'il semblait définitivement libéré de son immortalité putride, et disparu à jamais, le comte Orlok alias Nosferatu, frétille de nouveau devant la caméra du proclamé nouveau génie du film horrifique élégant, Robert Eggers .
Mais, si le mythe Nosferatu (conçu par Henrik Galeen scénariste de Murnau), nourrit depuis plus d'un siècle désormais, les fantasmes des amoureux du cinéma fantastique, il se transforme également en ombre angoissante, opprimante pour qui voudrait redonner vie à la créature. Créé pour éviter de payer des droits d'adaptation à la veuve de Bram Stoker (auteur de Dracula), Nosferatu a depuis forgé sa propre légende cinématographique ,érigeant en deux chef d'œuvres (celui de Murnau en 1922 puis d'Herzog en 1979), une élégante mythologie de la fantasmagorie que n'ont pas su conserver les innombrables adaptations de Dracula, qui à l'exception notables de quelques essais époustouflants ont contribué à dénaturer le mythe et à faire du vampire au cinéma un personnage tout à fait commun.
Passée une scène d'ouverture scène remarquable et assez explicite sur l'emprise charnelle exercée par le monstre sur la belle (qui sous-tendra une grande partie du propos), Eggers semble d'emblée incapable, (dans la première partie du moins) de se défaire de l'ombre de Murnau, exécutant une partition convenue dans une recopie quasi plan par plan du chef- d'œuvre original.
Certes le réalisateur tente de s'affranchir de la matrice originelle en sensualisant voire en sexualisant un peu son propos (et son héroïne) à la manière D'Herzog (il est frappant de constater la ressemblance entre Lily-Rose Depp et Adjiani dans certains plans) ou de Coppola. Mais la comparaison s'avère vite illusoire tant le réalisateur allemand avait réussi à traverser son Nosferatu d'un souffle fiévreux, transfigurateur et tant Coppola avait réussi à donner une dimension lyrique à son "Dracula". Dès lors, le chapitre en terre Carpate semble bien terne, la rencontre entre le jeune agent immobilier et un comte Orlok dépourvu d'ambigüité et d'emblée agressif manque de grandeur, tandis que les développements en terre germanique, fourmillent de scènes et de personnages nouveaux inutiles, puisqu'il faut bien faire grossir le vampire et donner de l'épaisseur et même du gras à son film pour tenir les deux heures imposées.
Pourtant, peu à peu l'arrivée de Willem Dafoe ( en professeur Albin Eberhart Von Franz, Aka Van Helsing) et un changement de ton bienvenu éveillent un intérêt (certes poli et mesuré), Eggers transgressant (un peu) les codes, érigeant Ellen en personnage central, symbole tout à la fois de résistance à l'emprise malsaine exercée par le monstre denté,
mais également être fragile et dément dont les crises ne sont pas sans rappeler les scènes de possession de l'exorciste, jusqu'à la "confrontation" ultime avec un Nosferatu, (proche dans l'imagerie d'un mort-vivant), qui dans un dernier soupir orgasmique lui permet d'expurger le mal
Bref Eggers sauve son film en racolant un peu , se raccrochant à toutes les ficelles horrifiques dans la mouvance actuelle et si ce nouveau Nosferatu n'apporte rien à la légende, il pourra toujours constituer une honorable porte d'entrée pour qui ceux qui souhaitent découvrir les métrages précédents.