Dunia, jeune femme désirant devenir danseuse. est un personnage prétexte pour explorer certains quartiers du Caire et leurs habitants. D'histoire, il n'y en a pas vraiment et les personnages souffrent incontestablement de n'avoir aucun passé susceptible de leur donner une quelconque densité. Ils sont pourtant physiquement très présents avec une caméra qui les cerne sans cesse de très près, allant jusqu'à suivre les doigts de Dunia dévalant la main-courante de l'escalier. Au gré de ses rencontres, Dunia nous mène de l'intelligentsia cairote à la faune des chauffeurs de taxi en passant par les exciseuses, nous jetant à la figure les mille facettes d'un monde dont il est difficile de comprendre le fonctionnement. La force du film est là: loin des clichés convenus, Jocelyne Saab montre la vie du Caire dans toute son épaisseur, dans toutes ses contradictions, sans mise en condition. Il fait coexister la brutalité et le raffinement, les interdits religieux et la richesse de la sensualité, la peur du régime politique et le désir de liberté. A l'évidence, ce film n'est fait ni pour les masses égyptiennes avides de cinéma populaire, ni pour les Occidentaux habitués à d'autres codes narratifs. On se dit qu'on va regarder un bout juste pour voir et deux heures passent sans que l'on ne se soit jamais dit que l'expérience suffisait comme ça. Parce qu'il est porteur d'une vision et qu'il comporte plusieurs moments très forts.