L'immensité de l'hiver russe en plan rapproché
L'Ascension raconte l'errance de deux soldats russes en territoire occupé par les Allemands. Larissa Shepitko n'a pas réalisé un film de guerre à proprement parler, mais a capté la personnalité et le destin d'une poignée d'individus pour illustrer quelques grands mystères chrétiens. Le bien et le mal. l'espérance, la loyauté, le sacrifice, la rédemption, mais aussi l'infamie, la trahison,et la lâcheté. Les références bibliques sont nombreuses, à commencer par le titre qui est une allusion au chemin de croix du Christ. Pourtant, L'Ascension n'est pas la transposition d'un récit des évangiles mais plutôt une histoire d'hommes dans une perspective biblique. Si les références visuelles fourmillent, les allusions directes (à part des signes de croix et des invocations de quelques personnages) sont rares: ici ou là une phrase qui n'est pas sans rappeler la Bible.
Le plus frappant, c'est la manière dont la réalisatrice saisit la solitude de l'homme dans les marécages gelés et les forêts en filmant presque constamment ses personnages en plan rapproché ou en gros plan. Au lieu de montrer des étendues sans fin où l'on se perd, elle montre le froid qui tenaille les deux protagonistes. L'immensité est sous-entendue, le froid, lui, est présent. Les deux montrent combien les hommes sont abandonnés à leur destin.
Le film est servi par la photographie exceptionnelle de Vladimir Khluknov et Pavel Lebechev (caméraman de nombreux films de Nikita Mikhalkov) et par la musique d'Alfred Schnittke (La Commissaire, d'Alexandre Askoldov, ainsi que plusieurs autres films de Larissa Shepitko et de son mari Elem Klimov). Schnittke signe ici une partition puissante, très proche du style de ses dernières symphonies.
J'ai vu le film dans l'édition Criterion. Comme dans l'autre film de Larissa Shepitko, Les Ailes, diffusé par le même éditeur, le sous-titrage laisse beaucoup à désirer.