Commençons par désamorcer la « polémique » sur l’armée française. Alors oui, l’armée française est quasi-absente, il n’y a que deux ou trois apparitions brèves et elle ne tient pas forcément le « beau rôle » : volonté de fuir, agressivité … Pour autant, Nolan ne fait pas ici un film sur la bataille en elle-même, ni un film historique. Il s’agit d’un film sur l’évacuation des troupes britanniques et il aurait été complexe d’aborder le cas des français à ce moment-là (il est fait quelques fois mentions des intentions de Churchill). Ce n’est pas un film qui efface le rôle des troupes françaises contrairement à ceux que l’on peut entendre. D’ailleurs, si l’on devait analyser le film au prisme de l’épique, on ne peut pas dire non plus que les britanniques (sauf pour les aviateurs et les civils) soient des héros comme on pourrait l’attendre dans un film de guerre.
Dunkerque n’est pas un film sur la guerre, c’est un film sur le chaos psychologique et physique des hommes livrés à eux-mêmes. Nolan met en scène des personnages anonymes qui pourraient être aisément interchangeables (ce qui n’est pas négatif). L’anonymat renforce la détresse des personnages soumis à des éléments indépendants de leurs volontés et de leurs actes. Alors certes, un tel choix ne rend pas forcément service aux acteurs, notamment ceux qui jouent le rôle des soldats au sol. Pour autant, cela permet à Nolan de choisir des acteurs plutôt débutants. D’ailleurs cela permet d’établir un contraste intéressant entre les hommes d’expérience qui ont un statut important (Hardy, Branagh, Rylance …) et les soldats « lambdas » (Styles, Whitehead …). Le rôle le plus problématique est sûrement celui de Cillian Murphy qui surjoue le syndrome post-traumatique. Le statut des civils est aussi intéressant. Ils sont actants, c’est-à-dire qu’ils ne subissent pas totalement les enjeux de la guerre, ce sont eux les « héros » bien qu’au final les personnages soient assez lisses.
En termes de mise en scène, le travail fait sur la temporalité permet de ressentir la guerre à différentes échelles, même si parfois on a du mal à voir à quel moment on se situe. Sinon, c’est maîtrisé de bout en bout. L’image est vraiment belle et les dogfights sont assez bien menés.
Pour le négatif, on peut regretter l’aspect parfois trop contemplatif de certains plans et la fonction de certains rôles.