L'acte manqué en psychanalyse est le faux pas, le lapsus, la maladresse, l'erreur, l'oubli... Les actes manqués ne sont pas manqués pour tout le monde, chacun d'entre eux signe une réussite de l'inconscient.
Christopher Nolan, sous couvert de film de guerre, voulait nous raconter autre chose que l'histoire de ces soldats évacués de Dunkerque et par conséquent, il a réussi son coup dans ce sens. Toutefois, en faisant cela, ce qui aurait pu, et même dû être un grand film, n'est plus qu'un bon film, voire un film banal.
Nolan, je le pratique depuis son Insomnia au cinéma, ensuite, je n'ai manqué aucun de ses films. On l'avait quitté au firmament avec Interstallar. On le retrouve moins en forme avec son Dunkirk.
Mais voilà, prendre le nom de cette ville comme titre de film était déjà en soit un mauvais présage. Même si on avait bon souvenir de Bienvenue chez les Ch'tis qui se passait dans le nord de la France. Blague à part, cette opération Dynamo qui est contée ici, bien qu'il s'agisse d'un succès, a été menée dans un contexte de défaite en 1940. Ainsi, premier acte manqué du film, le soldat anglais qui tente tant bien que mal d'aller faire caca au début du film mais qui n'y parvient pas pour diverses raisons. Cet échec initial est l'illustration de tout ce qui sera manqué par la suite.
Le film dure 1h47 mais Nolan trouve le moyen de nous inventer trois lignes temporelles différentes. Les événements qui se déroulent sur la jetée durent une semaine, ceux qui se déroulent en mer durent un jour, ceux qui se déroulent dans les airs durent une heure.
Ces trois temporalités différentes complexifient de manière inutile voire artificielle l'histoire, le scénario, l'intrigue. Tout cela ne semble être au final qu'un gadget mal utilisé. Autant, jouer avec le temps et l'espace faisait sens dans Interstellar, Inception et même Memento, autant ici, on remarque juste que Nolan force avec son jouet habituel. Si au lieu de se perdre dans trois époques différentes, il avait fait des efforts pour caractériser ses personnages, on aurait eu un tout autre film. Car oui, aucun personnage ne se démarque malgré un casting en or avec Mark Rylance (loin, bien loin du pont des espions malgré tout son flegme et son élégance), Kenneth Branagh (très bon en officier d'ailleurs), Cillian Murphy (transparent et presque inutile), il y avait vraiment de quoi faire ! (On remarque aussi l'absence de femme mais bon, un film de guerre, ça se comprend).
Mais non, Nolan préfère créer un climat, une ambiance, une tension liée aux événements extérieurs à ces personnages. Ici, le contexte est beaucoup plus soigné que la narration, que l'écriture. Ainsi, le son de ce film est une vraie merveille. Entendre ces avions, ces torpilles, tous les bruitages sont vraiment excellent et amènent un stress assez vif. La BO de Zimmer, bien que paresseuse, participe aussi de cette ambiance. Mais tout de même, on est en droit d'en attendre davantage. Je ne ferai pas injure à Nolan en comparant Dunkirk à d'autres films de guerre en disant que c'est bien en dessous. Soldat Ryan de Spielberg, les Sentiers de la gloire, La ligne rouge, le pont de la rivière Kwai, et même Glory !
On ne peut pas appliquer une méthode uniforme au film de guerre, on ne peut pas employer les mêmes ingrédients que d'habitude pour une histoire tirée de faits réels ! Et pourtant, il y a des moments où Nolan semble se souvenir de ce qu'est la réalité, entre deux plans magique entre ciel et mer, on voit enfin ces bateaux de plaisance venir secourir les soldats, on voit enfin des humains au lieu de simples survivants, on sent enfin le patriotisme à la place d'une guerre froide et impersonnelle, on sent enfin ce qu'est cette nation qui se défend coute que coute contre ces allemands inquiétants.
Mais j'ai constaté qu'il était aujourd'hui de bon ton d'encenser Nolan, quel que soit ce qu'il fait, c'est ainsi, les gens en perdent toute objectivité comme lobotomisés. Je suis pourtant un grand fan de Nolan mais il y a des choses à redire sur Dunkirk.
En conclusion, l'absence de scénario, d'écriture solide, nous laisse sur notre faim et nous frustre un peu, beaucoup. Il y avait tant de choses à faire. La perfection visuelle n'excuse pas tout, et encore moins venant de quelqu'un dont on sait qu'il est capable de conter des histoires extraordinaires.