Le dixième long de Nolan zoome sur un instant de la seconde guerre mondiale : la Bataille de Dunkerque et notamment la conclusion de l'opération Dynamo, l'évacuation de la British Expeditionary Force et son retour à la maison. Le regard offert au spectateur est partial, car il néglige la part des français et s'intéresse essentiellement sinon exclusivement à l'expérience britannique. Cet épisode de l'Histoire se produit à l'étranger, sur les côtes françaises, avec différents postes de secours, d'attaque et de fuite pour les soldats ou citoyens de Churchill.
Le film se déroule au présent et propose une approche immersive. Il opère des va-et-vient entre plusieurs pôles de 'l'armada' britannique (sur terre, en mer et dans les airs). La narration est fluide, segmentée, sans trop de valeur ajoutée ou 'biaisée'. Le ton est objectif (pas de personnalisation), sans 'flash-back 'internes' (la nuit est un grand flash-back), factuel : on a conscience de la gravité des enjeux, des urgences de la situation, mais pas le recul nécessaire pour expliquer tout à fait d'où vient et où va ce qui se produit maintenant. Ce n'est donc pas une leçon (pour la mémoire) ou une production géopolitique, plutôt un film de guerre intense et un action-movie sophistiqué (avec des micro-tragédies -panique à bord ; et de grandes catastrophes -la scène du bateau torpillé). Les cas individuels ne comptent qu'à la marge, comme illustrations ou bornes élémentaires – d'où le mariage de l'immanence et d'une transcendance, qu'on peut qualifier de patriotique en dernière instance, bien qu'elle ne soit pas traduite directement comme telle, l'aventure humaine au sens fort prévalant.
Elle arrive à l'écran enroulée dans des dialectiques morales. Les auteurs se gardent de prendre position, sauf en s'autorisant plus d'empathie ou de complaisance face aux joies ou autres libérations positives. Les méchants sont les grands absents (avec les précis en boucherie) – l'adversaire est à peine nommé – il n'est qu'un obstacle à abattre ou repousser, pendant que les jeux qui doivent nous intéresser se trament ailleurs (combat contre ses propres lâchetés, préférence pour sa peau ou celle du grand corps collectif). Cette chape abstraite au-dessus de l'entertainment de luxe marque la signature de Nolan (qui n'est pas formellement 'théorique' comme Fincher). Dunkerque flatte largement les britanniques, si on le souhaite ; les entorses à la vérité ou la loyauté pures sont pourtant aussi de mises, sans salir le grand tableau. Elles sont livrées sans vernis sombre ou scepticisme fortement signalé – par exemple, lorsque ce jeune sous-héros qui n'aura fait qu'accompagner est relié à une mythologie nationale en gestation.
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