Un beau film, avec une musqiue très sensible et vraiment adaptée aux scènes. De très belles images, de très bons acteurs (sauf un...). L'histoire est intéressante : la rencontre d'un quarantenaire français célibataire (Daniel) avec un jeune "travailleur du sexe" immigré d'Europe de l'Est bouleverse la vie des deux hommes. J'ai beaucoup apprécié les titres très poétiques des 4 parties. En revanche, je trouve que la qualité artisitique dégringole pendant le film : la dernière partie est traitée d'une manière bien moins originale et relève d'un quelconque téléfilm...

Le réalisateur mèle malgré tout très bien la fiction avec le réalisme ici (sauf quelques exceptions) : pour nous, spectateurs, cette vie bousculée est un rêve, un fantasme peut-être ou un cauchemar, mais demeure irréelle : pourrait-on accepter (survivre) un changement de vie aussi radical pour un inconnu (sans papiers) ? Du jour au lendemain, et sans pouvoir faire grand chose, Daniel perd toutes ses possessions physiques. Il lui reste son compte en banque, mais surtout son corps et ses souvenirs (et il ne le sait pas encore, mais un futur amant). Par opposition à ces immigrés qui ne possèdent rien (des vêtements), nous nous voyons otages de nos propres biens, dont on pourrait finalement se débarrasser ? (pour vivre plus authentiquement ?) Serait-on même prêt à amorcer le changement ? C'est Daniel qui suit le jeune garçon puis qui l'invite chez lui. Quand les choses tournent mal, il ne fait rien non plus pour les arrêter. Il est difficile de traduire sa passivité : peur ? couardise ? impuissance ? curiosité ? besoin de nouveauté ? Il est acteur de son propre bouleversement, malgré-lui car il est présent sur le tableau (et chez lui qui plus est). Sommes-nous capables d'inviter le changement total de vie, plutôt que de le rejeter ?
Ce garçon qui se donne, aussi, sans que l'on sache vraiment pourquoi, suscite bien des interrogations... Cherche-t-il seulement de l'argent ? Est-il pris de sentiments pour Daniel ? Comment peut-il accepter une telle activité ? Serions-nous capables raisonnablement et émotionnellement d'exécuter ces actes quotidiens ?

Quoi qu'il en soit, je pense que le film rend hommage d'une certaine façon à ce peuple sans papiers : il met en avant leur courage, leur ingéniosité, leur vivacité, leur philosophie ascète et leur esprit aventurier. Le talent du réalisateur est bien là : transfigurer des scènes réalistes pour relever leur caractère fantasmagorique, invitant au rêve par-delà le réel.
Qüentito
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le 21 avr. 2014

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le 21 avr. 2014

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