Les historiens ne tarissent pas d’éloge à son sujet, il est la pièce maîtresse de dissertation philosophique, beaucoup le décrive comme un trip psychédélique, un film phare d’une époque révolue. On ne manque jamais de le qualifier de visionnaire, car initiateur d’un genre devenu majeur, Easy Rider est tout cela à la fois et plus encore grâce à l’obstination et au désordre anarchique de son regretté réalisateur qui n’avais pas l’étoffe d’un grand metteur en scène mais qui avait parfaitement compris le sens du mot : liberté. À l’été 1969, alors que le festival de Woodstock battait son plein, que Sharon Tate se faisait atrocement assassiné et que Neil Amstrong devenait le premier homme à marcher sur la lune, le film de Dennis Hopper faisait la nique aux studios pour ouvrir le chapitre du Nouvel Hollywood grâce cette volonté de vouloir tracer sa propre voie en toute indépendance en leur adressant un gros doigt. Un résultat qui témoigne surtout d’une entreprise sans aucune contrainte artistique et qui pourrait tout aussi bien être le résumé vidéo d’une virée entre copains qui finirait par dégénérer. Ce n’est pas pour rien si Hopper choisit de montrer des parias essuyant moqueries et jalousies des gens tant les deux principaux compagnons exercent une fascination dans leur débauche insolente et leur dégaine de débraillés parce qu’ils sont libre d’aller et de faire tout ce qu’ils veulent. Cette liberté effraye les gens lorsqu’elle est poussé à l’excès, parce qu’elle peut nuire à la leur et engendrer le chaos dans une société qui réclame désormais de l’ordre, preuve en est le surnom de « hippie » est associé à celui de tapette, de PD, ou de travestis dans un restaurant. Tout le récit sera une succession de rencontres entre marginaux qui aspirent tous à fuir les grandes villes pour retrouver l’essence de ce qui constitue la véritable « liberté » dans un monde pourtant régit par le capitalisme. Une liberté plus utopique qu’il n’y paraît puisqu’elle sera ponctuellement bridés par les règles de la société, notamment lors d’un défilé improvisé par les deux motards qui aboutira par un séjour à la case prison sans parler de cette violence brutale et absurde de la part de ploucs dégénérés qui manifestent également leur propre désir de libre arbitre.


Pour comprendre ce qui a bien pu motiver un tel projet, il faut s’intéresser à sa genèse, lorsque Peter Fonda et Dennis Hopper se rencontrèrent à l’occasion d’une production Roger Corman intitulé The Trip, un film de motard empreint du même esprit rebelle et marginal. Peter Fonda a alors l’idée d’un western moderne bercé par l’insouciance du mouvement hippie ou deux routards se mettrait à enfourcher des choppers pour traverser le pays afin de refourguer du LSD sans se soucier de ce qui pourrait bien leur arriver. Autrement dit l’histoire ne raconte rien, le synopsis ne se limite d’ailleurs grosso modo qu’à cela et il n’intéressera personne si ce n’est un jeune producteur échevelé qui souhait sortir de l’anonymat des abrutissantes émission TV. Dennis Hopper sera à la mesure de son exécrable réputation de fauteur de trouble, le tournage ne sera d’ailleurs pas un long fleuve tranquille à cause des excès comportementaux et crise de paranoïa de ce dernier. Pour ne rien arranger à l’affaire, l’équipe technique filmera tout et n’importe quoi à la demande de son réalisateur qui n’avait décidément pas les épaules pour assumer un tel rôle. La moitié des rushs seront jetés faute de pouvoir être utilisés. Le projet sera alors menacé d’être abandonné en cours de chemin mais Dennis Hopper va mettre un peu d’eau dans son vin et dégoter un véritable chef opérateur capable de mettre en scène cette simple évocation de deux hommes chevauchant leur moto vers l’horizon sur fond de rock’n’roll, le film ne sera d’ailleurs jamais aussi bon que dans ces rares moments suspendu dans le temps au milieu de panoramas fascinant et dépaysant. La quintessence même de ce que peut constituer le road trip dans l'imaginaire des gens.. Le reste des prises de vues se fera néanmoins dans une ambiance totalement décomplexé à grand renfort de marijuana et probablement de LSD.


En revanche les confrontations vont reprendre de plus belle au moment du montage lorsque les individualités voudront se disputer la paternité du long-métrage. Le chantier est conséquent face aux dizaines d’heures de rush pour un cinéaste aussi peu organisé que Dennis Hopper qui dort dans son lit avec les bobines pour conserver le contrôle de son bébé. Il faudra l’intervention d’un médiateur extérieur pour remettre de l’ordre dans ce micmac bordélique incroyable. De 4h30 le film passera à une durée plus conventionnelle et commerciale de 90 minutes ce qui provoquera la colère de son réalisateur invité à faire un break à ce moment là. Pour autant, et face au succès inespéré du film, ce dernier ne le reniera pas. Sans le vouloir et en grande partie par accident une légende était née et allez montrer la marche à suivre à toute une génération de cinéaste désireux de faire leur preuve et de livrer leur point de vue du rêve américain et de ses limites systématiquement confronté à une entité qui finirai par constituer une impasse infranchissable (Vanishing Point) ou bien à les balayer d’une volée de plomb sans aucune raison.


À ce que l’on dit, c’est le voyage qui compte, pas la destination, et les détours mortels surtout... Alors si toi aussi tu aimes bouffer de l'asphalte au sens propre comme au figuré, rend toi sur L’Écran Barge. Tu y trouveras quantité de sérial-autostoppeurs et de chauffards frustrés.

Le-Roy-du-Bis
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le 18 sept. 2023

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