Échec au gang
6.1
Échec au gang

Film de Umberto Lenzi (1978)

Quand Umberto Lenzi fait une ultime fois appel aux talents de Tomas Milian pour reprendre le double rôle de « Er Monezza » (La Mort en sursis et L’Exécuteur vous salue bien) et de « Il Gobbo » (Brigade spéciale), il y a déjà des lustres que l’acteur italo-cubain ne veut plus s’engager dans le poliziottesco pur et dur. Avec quatre épisodes de la saga Nico Giraldi mis en boîte par Bruno Corbucci, Tomas Milian est plus que jamais un acteur militant et il n’est pas question pour lui de reprendre des rôles équivoques. En reprenant ceux de « Er Monezza » et de « Il Gobbo », il ne prend aucun risque, mais il va pousser le bouchon un peu plus loin en écrivant ses propres dialogues. Pas franchement une habitude chez Umberto Lenzi de laisser autant de latitude à celui avec qui il a toujours entretenu des relations ambivalentes (Tomas Milian parla de « amoddio », contraction de « amore » (amour) et « oddio » (haine), pour définir leurs liens) mais le projet est évidemment financier en réunissant deux personnages appréciés des spectateurs. La grande idée ici est de leur donner un lien de parenté et d’offrir donc à Tomas Milian un double rôle. Si Umberto Lenzi le laisse cabotiner à loisir, le résultat ne sombre pas dans la pantalonnade. Le réalisateur trouve en effet la juste mesure entre la comédie, l’action et la dimension policière pour donner un film qui reste maîtrisé.


La place de Tomas Milian dans le film lui donne cependant une force contestataire qu’on ne retrouve pas habituellement dans le cinéma d’Umberto Lenzi. Il faut ainsi entendre le discours totalement lunaire tenu par El Gobbo dans un club chic où sont principalement réunis des convives bourgeois et bien-pensants. Avant de les obliger à prendre des laxatifs « pour ch*ier leurs os sacrés », il explique dans quelle mesure la présence des riches dans la société l’ont conduit à prendre les armes pour tenter lui aussi de s’élever et d’exister dans celle-ci. Un discours ultra-gauchiste qui donne une idée assez juste de la personnalité de Tomas Milian et des idées qu’il souhaitait faire passer dans ses films. Pas certain qu’Umberto Lenzi partageât exactement les mêmes idées (même s’il était adhérent au Parti Communiste), mais ce ton politique qui traverse tout le film lui donne une dimension sociale à un récit dont la rigueur n’est pas la première qualité. S’il a la bonne idée de ne jamais sombrer dans le grotesque, le récit a tendance à se perdre après l’exécution de la vengeance du « Bossu ». La faute à un antagoniste très fade en la personne du commissaire Sarti à qui, de toute évidence, on n’a pas souhaité donner une place plus avantageuse.


C’est sûrement ici qu’on mesure la limite des films trop militants. À force de vouloir dire des choses, on en oublie de mener à bien son histoire, laquelle se termine de façon plutôt maladroite même si Umberto Lenzi s’éloigne, notamment dans le final, de ses habitudes rentre-dedans pour se rapprocher de tonalités plus émouvantes. On notera, par ailleurs, à travers le rôle de Maria, une présence féminine qui, pour une fois dans le genre, ne se contente pas d’être une potiche qu’on dénude ou qu’on gifle. Elle tient, au contraire, un rôle intéressant dans une histoire qu’elle contribue à faire avancer.

Si le rythme plus lancinant de l’ensemble pourra surprendre les amateurs du cinéma d’Umberto Lenzi, la démarche a le mérite de sortir des clichés du genre à une période où celui-ci arrive en bout de course. On saluera également l’excellente partition de Franco Micalizzi qui apporte, comme toujours, une véritable plus-value dans les scènes d’action mais aussi dans l’ambiance générale du film.


Play-It-Again-Seb
6

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le 1 juin 2024

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