Vous êtes sur la liste de qui? Ah non désolé ça va pas être possible.
Effervescence, énergie... Voila ce qui, à mon avis, manque le plus à "eden", film long, superficiel, vide, bancalement réalisé, sans enjeux, sans magie, où même les scènes de fête manquent cruellement de vie et où la musique ne transmet pas vraiment d'émotion et ne donne même pas un peu de groove au film (à part celle des Daft Punk qui parait tellement plus puissante que celle du "héros").
Je fais partie de cette génération et j'ai suivi de loin l'émergence de la scène electro et garage en France. En voyant ce film, on n'apprend finalement pas grand chose sur ce courant musical. On a juste l'impression que les gens qui y ont participé étaient plutôt chiants. En tous cas, le film ne permet pas de savoir vraiment qui ils étaient, ce qui les motivaient, ce qui les faisaient vibrer.
Il y avait pourtant matière à faire un grand film sur la musique des années 90. En tous cas, en voyant "Eden", on pourrait croire que la jeunesse de cette époque était complètement fade et sans aucune révolte ni revendication. C'est complètement faux. Il suffit de regarder les mouvements rap, ragga, techno (la vraie, celle des free parties et pas celle des clubs branchouilles où des petits bourges dansent en polo Chevignon ou t-shirts Paul Smith et où les videurs recalent les daft punk) ou même rock (alternatif, punk, grunge, peu importe).
De plus, le choix de suivre un personnage aussi peu charismatique qui n'a que des rapports superficiels avec tout le monde est assez peu judicieux. Au début, on a du mal à accrocher, et à la fin (le film est démesurément long), on a juste envie de le gifler et de lui dire "Arrête de taxer des thunes à ta mère et à tes potes pour t'acheter ta coke et va te chercher un vrai taf bordel!". Et pourquoi changer son nom si c'est pour ne même pas rendre son histoire un peu plus intéressante que la réalité? On a l'impression que le thème du film c'est "la vie d'un loser qui connaissait vaguement les mecs de Daft Punk et qui a perdu 15 ans à croire qu'il allait gagner sa vie comme DJ".
Dommage vraiment, car le sujet et certains personnages secondaires sont vraiment intéressants.
Les seconds rôles sont d'ailleurs le seul point fort du film. Malheureusement, on se dit parfois qu'on aimerait que la réalisatrice s'intéresse justement plus à eux qu'à Felix de Givry et Pauline Etienne (Paul et Louise pour être précis) qui sont ennuyeux au plus haut point. Vincent Macaigne, en organisateur de soirées hypocondriaque, est celui qui s'en sort le mieux, grâce à ses apparitions toujours justes et souvent drôles, comme cette scène où il fait l'apologie du film "Showgirls" devant une bande de jeunes foncedés incrédules. Cette scène (trop courte contrairement au reste du film) m'est d'ailleurs apparue comme une mise en abime. Comment ne pas penser au film qu'on est en train de regarder quand Macaigne dit des phrases du genre "Ce film a l'air d'un navet mais en fait il est génial. C'est toute la vulgarité et la vacuité des années 90 qui est dénoncée." Sauf que non, "Eden" n'est pas génial. Trop de scènes inutiles, aucun enjeu narratif, un montage affreux qui alterne plans caméra à l'épaule insupportables et plans fixes soignés mais superficiels, sans aucune cohérence et sans aucun style. A certains moments, on se dit que Mia Hansen-Love a voulu jouer la carte de la simplicité, puis l'instant d'après, elle nous balance des effets kitsch au possible (les lectures de lettres en anglais, oh my God). On sent également qu'elle a voulu éviter le côté "nostalgie" d'un tel exercice. Malheureusement, en regardant le film, on se dit que justement, ça aurait été nettement plus sympa si au moins il y avait un travail de reconstitution d'époque un peu plus poussé.
L'idée de découper le film en deux parties aurait pourtant pu être judicieuse. D'ailleurs, la deuxième, sur la fin des illusions, est plutôt mieux réussie que la première. Le personnage de Paul y prend un peu plus d'épaisseur avec l'âge (même si Felix De Givry a du mal à être crédible en mec de 34 ans) et l'idée de montrer comment il s'accroche à ses rêves de jeunesse, refuse d'évoluer ou de faire des concessions pour que ça marche commercialement, est plutôt intéressante.
Seulement, les frères Coen avaient abordé le sujet avec un peu plus de style dans "Inside Llewyn Davies" récemment. Encore une fois, Hansen-Love survole tout ce qui pourrait donner du souffle à son film (les personnages de Laura Smet ou de Golshifteh Farahani, la prise de conscience concernant la drogue, les cours de littérature) et s'attarde sur le banal (la relation avec Pauline Etienne, agaçante du début à la fin). Seul le running gag des Daft Punk se faisant refouler des clubs fait mouche.
Perdu entre son sujet trop ambitieux et son esthétique de petit film d'auteur sans budget, son envie de dévoiler la réalité d'un mouvement musical et la fictionnalisation inutile de certains de ses aspects combinée à un refus de montrer réllement, "Eden" ne nous emmène nulle part, à l'instar du personnage principal, pas assez brillant pour capter l'attention, ni assez effacé pour laisser vivre ce qui l'entoure.
Encore un film qui n'est pas à la hauteur de sa bande-annonce et, surtout, de son sujet.