A peine un an après Oblivion Tom Cruise retrouve la science fiction sous la caméra de Doug Liman (Bourne Identity, Mr& mrs Smith) avec cette adaptation d’un roman japonais ou il incarne Bill Gage ancien propagandiste devenu simple soldat dans l’ultime bataille que livre l’humanité à une mystérieuse race d’extra-terrestre les Mimics. Tué par un Alien dés le début de l’offensive il se réveille pourtant bien vivant condamné à revivre sans cesse la même journée. Il s’aperçoit qu’il n’est pas la seule victime de cet étrange phénoméne…
Quand Warner fait l’acquisition pour un million de dollar du script adapté du roman japonais "All you need is kill" qu’il confie à Doug Liman elle le destine à un jeune comédien (on parle de Ryan Gosling) mais bien vite devant l’ampleur du budget impose la présence d’une star. Tom Cruise grand fan de SF embarque sur le projet mais son age (51 ans et oui!) impose des ajustements. C’est son collaborateur fétiche Christopher McQuarrie (Walkyrie , Jack Reacher et bientôt Mission impossible V) qui adapte le script à la star, Liman le faisant remanier par ses scénaristes de Fair Game, Jez & John-Henry Butterworth.
Le scénario intelligent tire le maximum de son "high concept" (un mix entre Groundhog Day et Starship Troopers sans jamais plagier l’un ou l’autre) et offre une double lecture des multiples vies du private Cage. D’une part la narration du film reproduit l’expérience video-ludique (pas étonnant que le concept soit d’inspiration japonaise la patrie des jeux vidéos) comme dans ces scènes ou Cage mémorise les mouvements à effectuer pour avancer un peu plus loin sur la plage comme dans le niveau d’un jeu .De l’autre il offre une métaphore sur la condition du soldat destiné éternellement à servir de chair à canon dans tous les conflits. En situant les combats futuristes de ces troupes méc(h)anisés sur les plages anglo-normandes Liman rend le film presque intemporel mêlant l’imagerie SF au décor associé dans l’inconscient collectif à la plus célèbre des guerres.
Parce qu’il vient du cinéma indépendant (Swingers) et qu’il navigue entre les genres de l’espionnage (Bourne Identity) à la comédie d’action (Mr & Mrs Smith), de la SF pour ados (Jumper) au thriller politique (Fair Game) on a du mal à situer Doug Liman. Pourtant je lui trouve depuis longtemps un talent naturel pour filmer l’action qui en fait un des tout meilleurs dans le domaine, la géographie de ses scènes est toujours bien définie elles restent lisibles tout en étant extrêmement dynamiques sans abuser d’effets de style trop voyants. Aux commandes du plus gros budget de sa carrière il fait preuve d’une aisance stupéfiante dans l’orchestration de la monumentale scène de bataille qui ouvre le film passant du point de vue du troufion aux ballets d’une armada de drop ships dans une version mecha du débarquement de "Saving Private Ryan".
C’est aussi un styliste le film, sublimement éclairé par Dion Beebe (Collateral, Miami Vice qui se rachète ici de Green Lantern!), respire la classe et un directeur d’acteur accompli (en atteste le calibre des comédiens de ses précédents films) qui se repose ici sur un duo d’acteurs exceptionnels.
Parce qu’on le connait depuis si longtemps on a tendance à tenir pour acquis le talent de Cruise, pourtant peu de stars de son calibre ont maintenu un tel niveau de qualité sur une si longue période. Il s’investit toujours à fond quand il s’engage sur un film et ne "téléphone" jamais une prestation, bien sur il a une personnalité bien définie mais sait offrir suffisamment de variations pour la rendre toujours intéressant. Tour à tour beau parleur, pleutre , super soldat héroïque ou vétéran blasé il fait encore preuve dans Edge of Tomorrow de l’étendue de son talent.
Emily Blunt si elle s’est infligée une métamorphose physique dignede celle de Linda Hamilton dans T2 ne fait pas pour autant de Rita la "Full Metal Bitch" un homme dans un corps de femme, elle conserve toute sa sensibilité et, si elle reste féminine n’est ni une demoiselle en détresse ni la pour servir de caution romantique.C’est à la fois le partenaire de Cage et son mentor, leur relation d’égal à égal apporte énormément au film.
J’ai pris un plaisir particulier à retrouver Bill Paxton dans une guerre futuriste presque 30 ans après Aliens, il incarne ici le sarcastique sergent instructeur du peloton dans lequel est enrôlé de force Cage qu’il prend un malin plaisir à tourmenter avec son accent traînant du sud ("Vous êtes américain?" lui demande Cage /Cruise -"non je suis du Kentucky"!).
Nombreux sont ceux qui se lamentent sur le déclin du blockbuster américain, en mal de sujets originaux malades des remakes/reboots à répétition formaté pour un public d’ados qu’on suppose idiot. Edge Of Tomorrow apporte un démenti cinglant à ce déclinisme et rappelle la supériorité de la machine hollywoodienne dans ce domaine quand elle réuni autour d’un concept solide de vrais "pros".
Edge of Tomorrow est un "ride" spectaculaire, ultra-rythmé, drôle sans l’être au détriment des enjeux dramatiques qui repose sur trois piliers essentiels : un scénario abouti, un réalisateur inspiré et des comédiens convaincus. 8,5/10