Parfois classicisme n’est pas un gros mot , Le Fondateur en est le parfait exemple. Le film , qui raconte l’histoire du fondateur de l’empire du fast food McDonalds, Ray Kroc interprété par Michael Keaton aurait très bien pu être tourné dans les années soixante ou soixante-dix et aurait été fondamentalement le même film.
John Lee Hancock (Dans l’ombre de Mary, The Blind Side) se repose sur la force du scénario qu’a tiré Robert D. Siegel (The Wrestler) de cette histoire vraie et des thèmes typiquement américains qu’elle brasse et un casting de comédiens solides qui entourent un Michael Keaton dont la personnalité et l’énergie dominent le film.
On pourrait faire de nombreux parallèles entre Le Fondateur et The Social Network mais en faisant le choix du classicisme de la forme et de la sobriété Hancock évite d’entrer en compétition avec le film de David Fincher. Il s’appuie sur une reconstitution précise mais jamais ostentatoire de l’Amérique des années cinquante, une photo vibrante signée John Schwartzman (Armageddon, Jurassic World) et la musique mélancolique de Carter Burwell (Carol).
Le personnage de Ray Kroc, mu par la poursuite de la réussite seule valeur a ses yeux est profondément américain il en incarne trois des valeurs fondamentale : la volonté, la vision et le vol! Quand le film débute Ray Kroc a 52 ans, est représentant dans l’Illinois et malgré des années d’échecs reste convaincu que son idéal de réussite est encore à sa portée. A ses cotés son épouse Ethel Fleming (interprétée par Laura Dern toute en résignation) ne partage pas cette ambition et c’est en croisant la route des frères Mac et Dick McDonald, qui gèrent un restaurant de hamburgers en Californie du sud qu’il va pouvoir atteindre son rêve. L’ironie fait que les frères McDonald’s ont des valeurs et des principes finalement antagonistes aux siens. C’est donc presque logiquement qu’il finira de se séparer de la première pour épouser une femme qui partage ses vues Joan Smith (Linda Cardellini) , épouse qu’il vole au manager d’un de ses premiers restaurants franchisé Rollie Smith (Patrick Wilson) et finira prendre aux deux jusqu’à leur nom.
Ce n’est pas un hasard si le film se termine alors que Kroc s’apprête à rencontrer Ronald Reagan, le film à travers son histoire illustre la mutation des valeurs du capitalisme américain du new-deal vers le néolibéralisme. Alors que Ray s’étonne que Dick McDonald (Nick Offerman) soit si réticent face à ses visées d’expansion, sous entendant des penchants gauchistes, celui ci lui rétorque offensé qu’il sa carte du parti républicain depuis des décennies. S’affronte ici l’esprit du parti d’Eisenhower et celui de Reagan dont les différences irréconciliables s’incarnent au travers les personnages du film.
Michael Keaton présent dans quasiment toutes les scènes porte le film sur ses épaules, il y a toujours eu chez lui cette énergie maniaque, un peu cruelle qu’on sent prête a jaillir dans son regard perçant. Cette dangerosité contenue, qui avait poussé Tim Burton à le choisir pour incarner Batman, sert idéalement le personnage de Kroc et sa poursuite irréductible vers la réussite.Il est entouré d’un superbe casting d’acteurs très solides mais Nick Offerman (le Ron Swanson de la série Parks & recreations) tout en rigidité et rigueur morale se distingue en parfait antagoniste au personnage de Keaton, leurs dernières confrontation est d’ailleurs la meilleure scène du film.
Conclusion : Le Fondateur est une histoire forte porté par un comédien à son meilleur dont la facture classique fait ressortir tout le talent.