Choisi avec un à priori en demi-teinte, blockbuster, avec Tom Cruise dedans, Américain (comme ils aiment simplifier les imaginaires et les univers dans leurs gros blockbusters!), j'ai été très agréablement surprise par Edge of Tomorrow.
Le thème du film est, somme toute, une réunion d'éléments assez classiques: l'invasion d'aliens inconnus et dangereux, le héros "ordinaire" que rien ne laissait présager un tel destin, et qui se trouve une vocation et une conscience au fil des événements, les grosses armures et épées d'une sci-fi bling bling à la japonaise, la femme soldat, forte et inaccessible, qui tombera peut-être dans les bras du héros, ou peut-être pas. Les grosses scènes d'action, une vision apocalyptique de nos capitales, on part en terrain connu.
Et pourtant, Edge of Tomorrow réussit à proposer une approche nouvelle et intéressante à ce prédicat commun:
L'idée, pourtant fort exploitée par le passé, de la "journée sans fin", est très bien menée, peut-être parce que le réalisateur fait appel à des codes graphiques, visuels et imaginaires du jeu vidéo. On se trouve dans une mécanique à la "You Died", un apprentissage des ficelles par la mort: cette option ne marche pas, je vais tenter un autre chemin. Au fur et à mesure de chaque journée, le héros survit un peu plus longtemps, en apprend un peu plus, et devient par la même occasion un combattant aguerri - comme un joueur (disons, de Dark Souls par exemple) apprend les obstacles à éviter, la structure du niveau et les faiblesses du boss en mourant, recommençant, prenant des niveaux en chemin. Mais l'angle vidéoludique est exploité de façon assez bien intégrée dans le film, on est loin des gros sabots de Sucker Punch par exemple.
Un autre élément que j'ai personnellement apprécié dans l'univers de Edge of Tomorrow, c'est l'imaginaire japonisant qui en ressort. Google me dit que le film est adapté d'une oeuvre de science fiction Japonaise de Hiroshi Sakurazaka appelée "All You Need is Kill". Ne connaissant pas cette oeuvre, je ne peux pas me prononcer sur la qualité de l'adaptation, mais ceci explique cela. Ces aliens, déjà, aux formes indéfinies, ces envahisseurs surpuissants et redoutables ne sont pas sans rappeler les Anges d'Evangelion par exemple, ou les esprits du film "Final Fantasy: les Créatures de l'Esprit", pour ne citer que quelques exemples de cette thématique récurrente de la fiction japonaise. Ce sont des formes de vie formidables, sans communication possible, dont les humains sont des proies, contre lesquelles la bataille semble perdue. De l'univers de sci-fi japonais, nous retrouvons également une certains esthétique, les grosses armures, l'épée géante... Mais encore une fois, je trouve l'inspiration bien intégrée dans ce film occidental, bien adapté à la ville de Londres, et non un copier-coller grossier. Une très agréable surprise.
Enfin, le scénario réussit à mener ces questions de voyage temporel et de répétition avec succès. Un film où le personnage revit la même journée indéfiniment, c'est un risque certain de tomber dans l'ennui pour le spectateur. Ici, la situation est introduite assez clairement, mais sans trop s'éterniser: l'action avance au bon moment, juste avant l'ennui. La relation entre le personnage de Tom Cruise et celui d'Emily Blunt est intéressante: comment réagir face à quelqu'un que l'ont voit pour la première fois, mais qui a clairement vécu tant de jours ensemble? Inversement, comment s'attacher à une personne qui oublie qui on est chaque matin? La relation aurait mérité à être approfondie, mais ce n'est pas le propos du film, et je trouve que le sujet est plutôt bien exploité dans le cadre d'un film d'action.
Bien sûr, c'est le genre de film où on s'attend à ce genre de fin. Même s'il se passe en Europe, il s'agit quand même d'une production Américaine, avec Tom Cruise. C'est donc une fin assez classique, presque bâclée, après un film plutôt bien mené. J'aurais pu imaginer des fins beaucoup moins conventionnelles que celles-ci, mais, aurait-ce plu au public de blockbusters de l'été?
En résumé, Edge of Tomorrow est un bon film d'action, bien mené. Même s'il ne révolutionne pas le genre, il se situe bien au-dessus des navets habituels du genre, et cela tient, pour moi, essentiellement dans cet imaginaire que le film développe à travers son background, son parti pris graphique, ses inspirations japonisantes et vidéoludiques. Un mix qui me plaît car ces univers m'attirent, avec une petite dose de manipulation temporelles comme je les aime.