Dans le mot d'introduction ajouté par l'auteur dans l'édition que j'ai lue, il explique que l'idée de le livre vient du fait que les discours qu'il a pu entendre lors de funérailles ne rendent pas toujours justice au défunt, pour toutes sortes de raisons, et qu'il rêvait d'un "Speaker" capable de comprendre les intentions, les sentiments, les raisons qui ont fait de la personne ce qu'elle était - et dire toute cette vérité, afin que les survivants le comprennent, après sa dernière heure.


Le livre résultant de cette idée, rattaché à l'univers d'Ender entre-temps, possède du coup cette patte particulière que j'apprécie beaucoup dans cette saga: une exploration de l'esprit, les expériences, l'histoire et les émotions des différents protagonistes, jusqu'aux races alien, comme une invitation à comprendre pourquoi les gens agissent d'une manière ou d'une autre, aussi différents soient-ils. Bien entendu, ce n'est pas le seul aspect intéressant de la Voix des Morts, mais je trouve que c'est ce qui le différencie d'autres oeuvres de science-fiction.


(Disclaimer: j'ai lu le livre en Anglais donc je ne peux pas juger la traduction, et certains mots seront en Anglais ci-dessous, ne sachant pas comment ils ont été traduits)


L'univers


La Voix des Morts se passe dans notre monde, pour ainsi dire, environ trois millénaires dans le futur. L'humanité a maîtrisé la technologie de voyager dans l'espace, et a installé de nombreuses colonies (rassemblées sous le nom the Hundred Worlds "les Cent Mondes"). Grâce à une technologie de communication instantanée, les mondes restent en connexion, partageant une culture, des langues communes, et de nombreuses informations (histoire, recherche) malgré l'extrême distance qui les sépare.


Ce qui m'amène à un autre point différenciant (à mon avis) de cet univers de science fiction: il n'y a pas de technologie permettant de voyager au-delà de la lumière, et l'auteur joue sur la relativité du temps lorsqu'un équipage voyage à la vitesse de la lumière - traversez 22 années-lumières, le voyage aura duré deux semaines pour vous, mais 22 ans pour tout le reste de l'humanité restée sur les planètes. De cet élément de l'univers découlent beaucoup de choses intéressantes: le choix de voyager signifie quitter sa planète, telle qu'on la connaît, et ses proches, pour toujours; cette fameuse connexion à la communication instantanée ("ansible" en Anglais), cruciale pour un monde s'il ne veut pas être coupé de la civilisation humaine... Et l'auteur emploie ces implications de manière très habile au fil du livre.


En deux mots, cet univers de science-fiction, même s'il n'est pas d'une originalité extraordinaire, possède ses éléments spécifiques, et constitue une base très intéressantes pour toutes sortes d'histoires.


L'histoire


La Voix des Morts tourne autour de la découverte par l'humanité d'une nouvelle race intelligente, sur une planète appelée Lusitania par les colons, installés en enclave afin de les observer sans perturber leur évolution. Trois mille ans après la guerre contre l'unique autre espèce intelligente rencontrée par l'humanité, les "buggers", l'humanité cherche à comprendre cette nouvelle espèce, les "piggies", sans déclencher de conflit.


Seulement, le xenologue affecté aux relations avec ces piggies, Pipo, se retrouve un jour tué, démembré par les piggies. Suite à cet évènement, la jeune xenobiologiste qui travaillait avec lui et le considérait comme un père, Novinha, décide d'appeler un "Speaker For the Dead" (je ne sais pas comment le titre a été traduit en Français, un Ambassadeur des Morts?), afin qu'il vienne sur Lusitania, et parle la mort de Pipo. Le Speaker qui reçoit cet appel, sur une planète à 22 années lumières de là, n'est autre qu'Ender Wiggin, âgé de plus de trois mille ans de ces nombreux voyages interstellaires. Alors impliqué dans la guerre avec les buggers, Ender décide de se rendre sur Lusitania, afin de comprendre, et peut-être sauver, cette deuxième race extra-terrestre intelligente.


Il arrive sur Lusitania 22 ans plus tard, et ce qui découle de sa visite changera non seulement la relation avec les Piggies, mais aussi la vie de la communauté de cette colonie, notamment Novinha et ses enfants. Ici l'auteur explore non seulement l'évolution du personnage d'Ender, dont je ne peux pas parler sans spoiler le premier tome, Ender's Game, mais aussi la psychologie de Novinha et le résultat sur ses choix de vie et sa famille.


Bien entendu, la question de la vie des Piggies, leurs traditions, leur culture, mais aussi leur biologie est également centrale, et on y retrouve, comme je l'ai évoqué plus haut, cette approche particulière d'Orson Scott Card à la relation interpersonnelle et interculturelle - la compréhension du point de vue de chacun, des motivations de chaque espèce et de chaque personne, dessinant un tableau en nuances de gris ou le manichéisme n'a pas sa place.


Conclusion


Après la fin d'Ender's Game, un livre brillant, cohérent du début à la fin, j'avais des doutes sur la qualité d'une suite, reprenant le personnage d'Ender, 3000 ans plus tard, avec une autre race alien. Lorsqu'une oeuvre se suffit si bien à elle-même, écrire une suite est un sacré défi.


Mais j'ai été non seulement agréablement surprise par la qualité et la profondeur de la Voix des Morts, mais je l'ai autant aimé qu'Ender's Game, voire plus, mais pour des raisons différentes. L'auteur a réussi à créer un univers post-guerre Bugger cohérent et intéressant, le personnage d'Ender lui-même a évolué de manière plausible et ce fut un plaisir de le revoir, et de découvrir comment les événements du premier tome l'ont affecté. Il a également réussi, avec le concept des Speakers for the Dead, et des Piggies, à intéresser le lecteur après la fin de la guerre du premier tome. Une vraie réussite, même si du coup, j'appréhende la qualité de la suite de cette série.


En plus, je trouve que la lecture de ce livre, de même qu'Ender's Game, amène à revoir nos propres relations avec nos proches, en tout cas ce fut mon cas, essayer de comprendre pourquoi une personne, qui a "mal" agi selon mes valeurs, a été poussée dans de tels retranchements. Je trouve assez incroyable qu'un bouquin de science-fiction, écrit dans les années 80, m'amène 30 ans plus tard à remettre en question des relations personnelles sur lesquelles ma position était très claire jusqu'à maintenant. En d'autres termes, le livre est empreint d'une sorte de spiritualité surprenante, mais non-intrusive, ce qui est une autre réussite de l'auteur, à mon avis.

Kalygolo
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le 7 mai 2015

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