L’Empire du Radch s’étend dans toute la galaxie. D’annexion en annexion, les Radchaaï absorbent planètes et cultures, et transforment leurs ennemis en Ancillaires. Ces soldats deviennent alors réceptacles pour l’intelligence artificielle des vaisseaux de guerre radchaaï. Mais que se passe-t-il lorsque l’un de ces vaisseaux est détruit, et qu’un fragment de sa conscience subsiste dans un Ancillaire survivant ? Premier tome des Chroniques du Radch, la Justice de l’Ancillaire raconte la vengeance de Breq, un Ancillaire qui fut autrefois le Justice de Toren…


Un livre pour… les amateurs de science-fiction, space opéra militaire et contes venus de mondes étranges. Pour ceux qui s’intéressent à la conscience et à la vie, aux relations étranges qui se nouent entre personnages atypiques.


La Justice de l’Ancillaire est le premier roman d’Ann Leckie, mère de famille Américaine qui a expérimenté de nombreuses carrières avant de se lancer dans l’écriture. Publié en 2013, le roman a reçu de nombreux prix dont le prix Hugo et le prix Locus du premier roman en 2014. Deux autres tomes sont prévus dans les Chroniques du Radch, disponibles en Anglais et en attente de traduction française.


Question de points de vue


C’est l’histoire d’une vengeance. On ne sait pas trop pourquoi, mis à part le fait que le Justice de Toren a été détruit, et que sa conscience a survécu dans un Ancillaire qui se fait appeler Breq. On sait qu’il prépare sa vengeance depuis près de vingt ans, et on le suit dans ses derniers préparatifs.


Breq, l’intelligence artificielle, est le narrateur de cette histoire. Coincé dans un corps humain après avoir passé des millénaires à bénéficier des sens d’un vaisseau entier et de centaines d’Ancillaires, il est un poil désorienté. Et les gens qu’il rencontre le croient humain. Ce tout rend la narration captivante, et les relations entre Breq et les autres protagonistes particulières.


Par exemple, il tombe dès le début du récit sur un drogué à moitié mort dans la neige. La reconnaissant comme Seivarden, une ancienne lieutenant de son vaisseau, il décide de la soigner. Comment les relations entre une ancienne lieutenant déchue et le narrateur évoluent-elles, surtout qu’elle ne sait pas que Breq est en réalité le Justice de Toren ?


L’autre intérêt de ce narrateur particulier, c’est le récit d’événements passés. Le Justice de Toren a existé pendant deux millénaires avant d’être détruit, et Breq se souvient de chaque bataille, chaque officier qui a servi dans son vaisseau. Il raconte alors l’évolution de l’Empire du Radch au fil des siècles, la vie qu’il menait juste avant sa destruction. Alors que les deux récits, passé et présent, se rejoignent, le lecteur commence à comprendre pourquoi et comment Breq compte mener sa vengeance…


La richesse de l’univers


Tout d’abord, l’auteur a pensé à plusieurs millénaires d’histoire du Radch. À travers la lorgnette du point de vue de Breq/Justice de Toren, nous n’en apercevons qu’un fragment. Et quel fragment ! Ann Leckie a imaginé une histoire, des cultures, des rites, une religion, des codes de conduite et de politesse…


Contrairement à beaucoup d’univers SF classiques et hyper-technologiques, le Radch de Leckie prend corps de manière étonnante. La technologie se veut discrète, des implants ici et une mention de porte pour le voyage interstellaire là. Bien entendu, il reste les vaisseaux et leurs IA, au cœur de l’histoire. Malgré cela, l’atmosphère que présente le livre s’affranchit de l’image classique de la SF. Lorsque Breq nous emmène sur la surface d’une planète, vous pourriez tout à fait vous imaginer dans un univers de fantasy.


Ce changement est une bouffée d’air frais, surtout pour un space opéra militaire, et la profondeur de l’univers donne envie d’en découvrir davantage.


Nous sommes toutes humaines


Un dernier point que j’ai trouvé intéressant dans la Justice de l’Ancillaire, c’est un choix culturel et linguistique d’Ann Leckie. Au sein du Radch, tous les êtres humains sont désignés au genre féminin. Toutes sont des humaines, les lieutenants et capitaines, les citoyennes et les prêtres. Breq est donc habitué à désigner tout un chacun au genre féminin, ce qui l’arrange bien vu qu’il est bien incapable de différencier les hommes des femmes.


Pourquoi ai-je trouvé ce détail intéressant ? Non seulement Ann Leckie montre son travail en profondeur sur la culture et les traditions radchaaï par ce moyen, mais c’est aussi une manière de renverser les codes du genre. Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin, pas ici ! Et ce n’est pas par excès de féminisme que j’apprécie l’idée.


Tout au long du livre, le lecteur est amené à croiser plusieurs personnages humains, sans savoir pour sûr s’il s’agit d’hommes ou de femmes. De Seivarden qui accopagne Breq dans la quête présente, jusqu’aux lieutenants Awn et Skaaïat qui peuplent ses souvenirs, nous les suivons tout le long du roman sans être sûr de leur sexe. N’est-ce pas un coup de maître, sachant que la narration se fait du point de vue d’une IA elle-même incapable de différencier les sexes ?


J’avoue que cela peut déstabiliser au départ : comment visualiser un personnage, lui donner corps sans même savoir s’il s’agit d’un homme ou d’une femme ? Mais je me suis surprise à m’attacher à chacun de ces personnages, à travers les yeux de Breq. Finalement, leur sexe n’a pas d’importance. Et c’est une sacrée réussite de la part de Leckie.


La Justice de l’Ancillaire, premier tome des Chroniques du Radch, présente un abord classique ; une SF type space opéra militaire, avec la question de l’intelligence articifielle au centre de l’intrigue. Pourtant, Ann Leckie délivre un univers original et détaillé et présente une galerie de personnages travaillés aux relations complexes. On se prend à s’attacher à Breq, Seivarden et les autres, et on referme le tome avec une idée en tête : lire le suivant.

Kalygolo
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le 29 nov. 2015

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