Zyprexa, Zoloft, Prozac, Depakote, Effexor, et j’en passe ; j’ai eu l’impression pas forcément agréable —d’autant que le personnage principal est psychiatre, que le film caresse doucement les problématiques de lobbying, de molécules et de laboratoires— de m’être retrouvé au boulot.

Car oui, pour ceux qui ne le savent pas encore, je bosse en psychiatrie.

Alors pour moi qui côtoie ces ingrédients, ajoutés à un supposé portrait de malade voire « de la maladie », le dernier Soderbergh laisse un étrange sentiment, un avis partagé, à l’image de son fil conducteur et de ses bifurcations, à la trajectoire intéressante mais dont la destination finalement peu éloignée des sentiers battus ne laisse pas la sensation de changement d’horizon espérée.

Il y a plusieurs bonnes choses dans Effets Secondaires, en dehors des considérations formelles habituelles pour le réalisateur, à commencer par son sujet. Soderbergh parvient à faire pressentir pas mal d’enjeux liés à l’univers de la psychiatrie et de sa prise en charge : le pouvoir du praticien, celui de la parole du patient (avec les problèmes que cela peut impliquer), la souffrance morale, la responsabilité du prescripteur, la pression lobbyiste des laboratoires pharmaceutiques (traité sans trop de cojones mais pourtant pas très éloignés de ce qui peut se laisser voir sur le terrain).

Autre chose, Jude Law est supportable. Son jeu apaisé et impliqué se démarque de ses prestations habituelles ; moins maniériste et cabotin il compense ainsi certaines facilités d’écritures concernant certains partenaires (Tatum cachetonnait tandit que Mara donna le minimum syndical).

Au départ le scénario emporte sans trop séduire, mais ses multiples facettes laissent miroiter beaucoup de possibilités ; c’est ce qu’on espère appeler à la fin un script malin. D’ailleurs à plusieurs reprises, on en frôle l’aboutissement.

(Grosse ellipse pour laisser le maximum de surprise quant au déroulement de l’intrigue et de la narration)

Mais, dans ces histoires de folie il faut toujours que la raison sans porte, alors le courant d’air soulève la légèreté du voile.

( ? )

Je veux dire que le script se tire bien vite une balle dans le pied.

On commence dans la dépression, on illustre divers ressentis inhérents avec une relative finesse (jeu de lumières, cadrages), on instaure ainsi une ambiance, un rythme, des attentes, on les brouille suffisamment pour titiller la curiosité ; le tout revêt une certaine bipolarité, jouant bien la carte des ambivalences et des dualités. Le début et le milieu de l’intrigue semblent assez malins et prometteurs.

Puis c’est la phase maniaque qui l’emporte et là tout escalade, se précipite, devient poussif. Oubliée la finesse, oubliée la peinture. Soderbergh et son script s’enfoncent dans la plupart des chemins balisés au départ et font perdre de ce fait tout aspect nuancé et exhaustif à leur thématique. Disons, toujours dans un souci de spoiler le moins possible, que la direction prise par l’histoire me semble souffrir d’une grande facilité ; le film se concluant ainsi sur un parti pris de genre qui ne m’a guère convaincu tout en étant efficace, ce qui est bien dommage vu les éléments initiaux et l’univers dans lequel se déroule les faits.

Bref, ça manque un peu de schizophrénie tout ça.

Ceci dit, Side Effects constitue une démarche plus honnête que Contagion, paradoxalement moins facile et exempté des contraintes chorales (du point de vue du casting) de ce dernier. Le tout donne quelque chose de plus maitrisé, pertinent et contenu ; un peu trop peut être dans sa conclusion.

Mais ça c’est parce que la folie et la contention ça n'a jamais fait bon méninge.

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le 12 avr. 2013

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real_folk_blues

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