Ça commence comme une blague potache, et puis, soudain, on se rend compte que ce film est beaucoup trop conscient de sa connerie pour être aussi con qu'il en a l'air. Très vite, on ne rit plus sur des vannes, mais on rit avec le film qui rit de lui-même (phrases répétées à l'outrance, postures stupides poussées jusque dans leur rigidité théâtrale). Et alors, une fois prise cette distanciation totale vis-à-vis des enjeux dramatiques, on se laisse emporter dans une aventure où tout est possible, et où la logique a plus a voir avec celle du rêve qu'avec celle du comique. Soudain, on respire un grand coup d'air frais venu d'une liberté créative communicative et revigorante. Après un tel parcours on se sent léger, on se sent bien, on se sent libre. On touche là à du primitif, d'un côté la commedia dell'arte avec son rire enfantin sur la grossièreté des traits de caractères du masque, la créativité constante de l'improvisation qui ouvre toutes les portes des possibles à l'imaginaire. De l'autre, subrepticement, le mythe, l'Odyssée, alors que chaque lieu est vu comme la nouvelle découverte d'un monde inconnu et magique comme les îles successives que parcourait déjà Ulysse dans son errance méditerranéenne. Et comme chez Homère, on croise des êtres magiques, sirènes, fées, et autres créatures géantes, au cours d'une quête initiatique où sera questionnée entre autre la sexualité, dans son identité comme dans sa quête de plaisir effrénée, pour nous ramener, à la fin, après tant d'obstacles insensés, à l'Ithaque, la Pénélope, la femme du foyer que l'on aime pour elle-même par-delà toutes les oscillations éphémères de notre désir. Alors, on pense à Buckaroo Banzaï, ou à Big Trouble in Little China, soit à ces films pas assez ouvertement auteurisant à la Wes Anderson pour être adulés de la critique, et pas assez linéaires à la Retour Vers le Futur pour être aimés d'un public plus large, et on se dit que le récemment regretté Danny Leimer n'aura décidément jamais eu la reconnaissance qu'il aurait mérité. Mais l'on se dit aussi que c'est parfois le propre des grands artistes de faire des œuvres fortes et profondes sans en avoir l'air, et parfois même malgré eux.