Derrière la Dame de Fer

Eiffel est un projet de longue date, dont la gestation difficile a été récemment racontée par sa scénariste, un bazar sans nom.

Après être passé entre les mains de Ridley Scott et de Luc Besson, c'est Martin Bourboulon, réalisateur de Papa et maman, auquel on a également confié une adaptation des Trois mousquetaires qui sortira dans les années qui viennent, que revient la mission de faire ce film sur Gustave Eiffel. "Librement inspiré de faits réels", comme le précise un carton au début du film, on nous raconte l'histoire d'amour entre Gustave Eiffel et une femme prénommée Adrienne qui serait à l'origine de la tour Eiffel dont on va assister dans le film à la construction en parallèle de cette romance.

Honnêtement, le film a de l'allure, mais je comprends que les critiques fusent. Pas parce que le film est déplaisant, mais parce que comme d'habitude une partie du public va critiquer parce que c'est français, et l'autre pour des raisons valables. Ces raisons valables sont pour moi les suivantes : la romance prend trop de place dans le film et évince les sujets qui auraient pu être passionnants à traiter, c'est-à-dire tout ce qui tourne autour de la construction de la tour. On sent que le climat est tendu dans Paris avec cette construction dantesque, on nous le dit dans le film, mais on aurait pu jouer à fond là-dessus et faire un tout autre film. C'est d'autant plus dommage que la romance est traitée de façon assez convenue, même si ça donne lieu à de jolis plans-séquence et aussi à des scènes qui se déroulent au crépuscule et que je trouve assez belles aussi visuellement. Disons que c'est romantique, quoi.

Le point qui m'a fait tilter tout le long du film, c'est Emma Mackey. Il faut savoir que le film est à moitié constitué de flashbacks, et je veux bien concevoir que pour rendre Adrienne vraiment sublime, prendre une jeune actrice était peut-être plus simple qu'en choisir une qui a la quarantaine. Mais dans ce cas-là, pourquoi ne pas la vieillir dans les scènes qui se passent dans le "présent" du film ? Romain Duris a la quarantaine et joue un type qui en a 50 (ou 30 selon les scènes). Pour le rajeunir il a suffi de lui couper un peu la barbe et les cheveux, qui semblent un peu moins grisonnants dans les flashbacks d'ailleurs. Mackey a 25 ans. C'était si difficile de lui faire des pattes d'oie en maquillage, un marqueur du temps qui passe, pour qu'elle ait l'air d'avoir 40 ans dans les scènes où son personnage devrait avoir 40 ans ? Cela n'empêche pas Mackey d'être plutôt bonne actrice quand même, mais c'est vraiment agaçant cette manie de laisser les actrices ayant la quarantaine sur le carreau dans le milieu du cinéma pour jouer des rôles de leur âge.

La musique est pas mal du tout même si pas spécialement mémorable, ça accompagne bien les scènes. En même temps c'est du Desplat. La sensation de hauteur est plutôt bien retranscrite à l'écran aussi même si ça arrive assez rarement dans le film. Le fait que Gustave Eiffel ait toujours réponse à tout fonctionne plutôt bien, mais là encore si la romance avait pris un peu moins de place dans le récit ça aurait pu être l'opportunité de lui donner quelques moments de faiblesse dans son travail, pour rendre la création de la tour Eiffel un peu plus difficile.

Enfin bon, c'est pas bien grave, j'ai passé un bon moment, c'est un joli film qui tente de créer un renouveau du cinéma populaire français (disons que quitte à ce que les chaînes de télé comme M6 financent du cinéma dans l'espoir de les rediffuser le plus possible je préfère ça que Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu 12 ou Les Tuche 8), mais dont on sent un potentiel inexploité.